ABROGEONS LA LOI QUI CRIMINALISE L’ENTRAIDE
L’article L 622-1 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) permet de poursuivre « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ». Ce texte offre la possibilité au procureur de requérir une peine de cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende à l’endroit des contrevenants. Pour le législateur, le passeur appointé et le simple citoyen sensible au sort de rescapés qui fuient la pauvreté ou la violence de leurs pays sont donc condamnables au même titre. En vertu de ce principe, gardes à vue et perquisitions se multiplient chez des particuliers et des associations « aidants ». C’est bien l’entraide humaine qui est pénalisée. Or ce qui est légal peut être immoral, l’histoire de France l’a déjà prouvé. Cette loi contredit l’idée de justice en criminalisant la fraternité revendiquée par la République, et punit la solidarité.
Nous, signataires de ce texte, affirmons avoir aidé des sans-papiers ou être prêts à le faire. Considérant que ceux qui défendent cette loi justifient son maintien en expliquant qu’elle n’est jamais appliquée, nous demandons purement et simplement son abrogation.
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WELCOME
(NdlR : Ce film, très touchant nous montre que nous acceptons de nouveau la barbarie, description extrait Gazette, Utopia))
On vit tous un peu comme Simon : les yeux baissés face aux choses trop lourdes qui nous entourent, sur lesquelles on pense ne pas avoir de prise à notre petit niveau, et l’on tente de se protéger face à la misère ou aux injustices sociales qui nous entourent. Simon vit dans une ville où il faut vraiment regarder ses pieds pour échapper à l’horreur : Calais, devenu depuis la fermeture très médiatique du centre de réfugiés de Sangatte (rappelons qu’à l’époque, dans un bel élan de démagogie rance, même Jack Lang, le risible député de Boulogne sur Mer, félicita Sarkozy), le point de rendez-vous de tous ceux, Kurdes, Afghans, Somaliens… qui espèrent pouvoir rejoindre, au-delà de quelques trente kilomètres de mer, la verte Albion et sa supposée hospitalité. Une ville où s’exerce la répression policière la plus inhumaine, et où seule la solidarité de quelques citoyens français permet la survie de centaines de réfugiés, et ce depuis près de sept ans.
Mais Simon s’est enfermé dans son amertume, celle d’un champion de natation raté devenu maître nageur et dans son échec, celui d’avoir laissé partir Marion, la femme qu’il aime par-dessus tout. Et puis, comme souvent, survient un élément extérieur et la vie prend un tout autre tournant. L’élément extérieur sera Bilal, jeune réfugié kurde, venu prendre des cours de natation, afin (même si Simon se voile la face au départ) de répondre à ce pari insensé : traverser la Manche à la nage, la traversée par les camions devenant si compliquée. Même si au début il y voit avant tout un moyen de reconquérir Marion, enseignante engagée qui distribue le soir la soupe aux réfugiés, Simon revient à la vie, à la qualité d’homme, au fur et à mesure que sa relation avec Bilal se construit, envers et contre les voisins méfiants et racistes, envers et contre la police française, pour qui aider autrui, simplement en l’hébergeant, est un délit quand autrui n’a pas de papiers. Mais Simon et Bilal iront jusqu’au bout.
La force du film de Philippe Lioret est de conjuguer avec talent une veine documentaire et le croisement de deux magnifiques histoires d’amour et d’une non moins belle histoire d’amitié. Pour la veine documentaire, le réalisateur a su parfaitement décrire Calais, ville cauchemardesque, ville de non-droit, où le seul droit est celui des flics qui font ce qu’ils veulent des réfugiés et de ceux qui ont le courage de les aider.
On pourrait se croire dans une ville sous Occupation en 1943, avec ses Juifs, ses justes et ses délateurs crasseux. Philippe Lioret décrit parfaitement aussi le quotidien des réfugiés, les rixes entre communautés, les tentatives de passer dans les camions, où les candidats au départ risquent l’asphyxie en se revêtant de sacs en papier pour échapper aux détecteurs de CO2.
Parallèlement, on suit avec émotion les tentatives de Simon, parfaitement incarné en vieux loup blessé par Vincent Lindon, pour reconquérir l’amour de sa vie. Et c’est aussi l’histoire d’amour de Bilal qui est prêt à risquer sa vie pour rejoindre sa belle fiancée menacée de se voir mariée de force par son père à Londres. Mais plus beau encore, c’est la rencontre et l’amitié entre Simon et Bilal, qui se heurtent à l’ordre absurde du monde.
À noter l’étonnante prestation du jeune Firat Ayverdi, acteur non-professionnel qui irradie de sa volonté et de sa sensualité le personnage de Bilal.
PHILIPPE LIORET à l’ASSEMBLEE NATIONAL
Les 30 avril et 5 mai derniers, l’Assemblée nationale a examiné le rapport du député socialiste Daniel Goldberg, plus modéré, qui visait « à supprimer le délit de solidarité » en modifiant ce même article.
Voilà, c’est fini, la proposition de loi visant à dépénaliser le « délit de solidarité » envers les migrants et sans-papiers (passible, je le rappelle, de cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende) a été rejetée, par l’Assemblée nationale. J’y étais venu, le 30 avril, pour assister aux débats et n’ai, en fait, assisté qu’à une effarante parodie de démocratie : Copé (UMP) a provoqué un incident de séance suite auquel Karoutchi (UMP) a décrété le report de l’ensemble des votes au 5 mai. À ce moment, 90 % des députés de la majorité ont alors quitté l’hémicycle, refusant ainsi de participer à la discussion, et ne sont revenus que le mardi suivant pour voter contre cette proposition de loi sans en débattre donc, et sans même en connaître l’exacte teneur.
Du jamais- vu dans la Ve République, une honte !
Je ne peux plus, ici, que remercier Daniel Goldberg, député PS de Seine-Saint-Denis, d’avoir pris en compte, relayé et exposé si clairement le sentiment de profonde injustice qui m’a accompagné en tournant Welcome. J’aurais au moins eu l’impression que cette indignation légitime aura été sincèrement partagée. Mais il fallait s’attendre à ce que la majorité n’y soit pas sensible - je pense aujourd’hui à la déception des bénévoles et à la détresse de ces migrants traités comme des chiens.
En se bouchant les oreilles face à cette proposition de loi juste, mesurée et pleine de bon sens, cette majorité ne fait, une nouvelle fois, qu’illustrer le danger que court un pays à laisser un seul homme concentrer tous les pouvoirs. Pour n’importe quel citoyen sensé, cette affaire montre bien que le moindre député UMP qui oserait aller contre le « mot d’ordre sarkozyen » se verrait mis à l’index par ses pairs. Même les plus concernés - l’un d’eux m’a même remercié pour l’engagement du film - n’ont fait qu’illustrer ce que dit Marion à Simon dans Welcome : « Tu baisses les yeux et tu rentres chez toi. » Quant à Eric Besson, « yes man » d’un président cynique et démagogue, il s’est tellement discrédité dans cette affaire qu’il aura au moins contribué à ce que l’opinion publique entrouvre les yeux et se range du côté de ceux - Onfray, Bedos, moi-même, etc., - qui ne baisseront pas les bras.
Ce dossier du « délit de solidarité »,je le connais bien – avec Emmanuel Courcol et Olivier Adam, nous avons construit le scénario de Welcome autour de lui. J’ai donc pu constater que, de la part du ministre Besson et des députés UMP - qui, même si cela doit ébranler leur intime conviction de justice humaine, se rangent à la « voix de leur maître » - tout n’a été qu’approximations, mensonges et fermeture. Je ne peux m’empêcher de penser que les autres dossiers, ceux que je connais moins bien, voire pas du tout, sont traités sur le même mode que celui-ci. Et prendre avec inquiétude la mesure du danger qui nous guette.
Extrait du Siné hebdo No 36 mercredi 13 mai 2009 Philippe LIORET
Entretien avec Philippe LIORET : Comment est né le projet de WELCOME