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ATTAC : C’est quoi au juste ?

L’allégresse gourmande de dévoiler cet artifice, cette pensée unique libérale..

"Nous ne voulons pas adoucir les effets de la misère, nous voulons détruire les causes de la misère"

mardi 5 juillet 2005, par ATTAC Pays d’Arles

Petite analyse et réflexion d’un militant d’Attac pays d’Arles sur la pratique et les buts de son organisation... qui vaut peut-être pour d’autres militants, d’autres organisations.

En 1998, j’ai rejoint ATTAC parce que c’était un mouvement insolent, vif ,décalé.

Indépendant face aux partis et syndicats, sans préoccupations électorales.
Nous apprenions, nous nous informions, nous réfléchissions, afin de diffuser nos connaissances en toute liberté.
C’est avec une allégresse gourmande, que nous nous attaquions à cette pensée unique libérale, qui avait submergé le monde.

Dévoiler cet artifice, élaborer les voies d’un autre monde possible était notre programme de travail.
Lutter contre la privatisation du vivant , des biens communs comme l’Eau, la Santé, l’Education, dénoncer les OGM, les Paradis Fiscaux et la délinquance financière. Démonter et expliquer le fonctionnement de l’OMC (organisation mondiale du commerce), de l’AGCS (Accord général sur le commerce et les services , puis le traité constitutionnel pour l’Europe, tous ces filets destinés à assujettir l’ensemble des activités humaines aux impératifs de l’économie de marché.

Autant de taches où chacun trouvait de quoi s’instruire, se passionner, et diffuser son savoir afin d’imprégner peu à peu la conscience de larges franges de la société.
Il fallait pour cela des comités locaux autonomes, travaillant sur les thèmes pour lesquels ils avaient des affinités ou des connaissances, bien insérés dans leur milieu géographique et social.
Il fallait aussi une organisation nationale, vitrine d’ATTAC vers le monde extérieur, médiatique et politique, pour rendre visible et lisible l’activité des comités locaux.
La relation entre ces deux entités, Le CA national et les comités locaux étant complémentaire et non hiérarchique.
Le sain équilibre entre les deux n’a pas encore été atteint.
La simple fédération des CL (CNCL) bavarde et brouillonne n’est pas capable d’organiser une direction nationale et le CA national avec ses velléités d’autoritarisme ne parvient heureusement pas à discipliner l’activité des CL.

L’autorité devrait être à la mesure de nos moyens : faible.
Nous n’avons pas besoin d’une discipline rigoureuse, car nous ne nous posons pas le problème du pouvoir, conscients que notre faiblesse numérique et notre diversité nous en tiendrons éloignés pour longtemps.
Mais, l’intérêt, l’estime, la curiosité que nous manifestent ceux qui ont entendu parler de notre action, ou que nous rencontrons dans tous les milieux, dans toutes les générations, nourrit notre conviction que l’action la plus efficace est la diffusion de nos idées, partout, tranquillement, par capillarité.
Contre le rouleau compresseur du libéralisme mondialisé, l’insoumission, même très minoritaire d’ATTAC, sert de phare, de repère, aux victimes et aux rebelles.
ATTAC est une subversion tranquille mais sans concession.
Notre distance c’est le moyen terme, pas le temps court de l’énervement, et de l’agitation.
Nous devons choisir nos buts et ne pas nous laisser imposer des échéances.

Nous devons résister aux impatients.
A la pathétique équipée des 100% Altermondialistes de nombreux comités locaux ont opposé comme d’habitude l’inertie et leur travail obstiné à leur rythme.
Malheureusement, dans un mouvement aussi ouvert et divers les vieilles pesanteurs sont revenues.
Soit les tics politiques de ceux qui venant des anciennes organisations retrouvent leurs automatismes, soit les ambitions de ceux qui sortant des anciennes structures où ils n’avaient pu se faire une place, ont pensé qu’ATTAC, sans passé d’organisation, serait une proie facile pour leur savoir-faire.

Cette tendance là, outre les petites luttes pour de petits pouvoirs, a tiré ATTAC vers une banalisation de son image, et de son action.
On se laisse glisser vers le compassionnel et la charité.
On participe à des cartels d’organisations ( je ne parle pas des collectifs pour le NON) où notre parole est édulcorée, diluée.
On fait de l’homéopathie politique. Nous nous fondons dans le discours geignard de l’indignation de certaines ONG qui ne sont que les habits neufs des dames patronnesses d’antan.
La charité c’est la doctrine sociale du Medef !
L’indignation et la charité sont des sentiments d’arrière-garde.
<>Nous ne voulons pas adoucir les effets de la misère, nous voulons détruire les causes de la misère.
Pour cela il faut labourer profond dans les consciences.
Prendre le temps.
Les "Urgentistes" ou les "Pragmatiques" préfèrent se coltiner avec le présent, tant mieux, mais rien ne nous oblige à les suivre ou à leur permettre de nous culpabiliser.
Oui nous irons au Vénézuela, apprendre comment un peuple prend conscience que les opprimés sont toujours majoritaires et peuvent exercer démocratiquement le pouvoir,
et ce n’est pas de l’exotisme.
Oui nous irons en Inde, apprendre comment des paysans s’organisent pour rester propriétaires de leurs semences et du vivant,
et ce n’est pas de l’exotisme.
Oui nous irons au Brésil, en Argentine, apprendre des paysans et des ouvriers qui s’emparent des terres non cultivées, des usines abandonnées que ces biens appartiennent de plein droit à ceux qui sont capables de les rendre vivants,
et ce n’est pas de l’exotisme.
Ce sont des leçons pour nous, ici.
A ceux qui ne veulent pas regarder plus loin que le bout de leur nez, nous répondons que nous ne voulons pas bâtir l’Altermondialisme dans un seul pays !
En 1998, lorsqu’on parlait de la taxe Tobin, on nous riait au nez. Fin 2004, Chirac et Lula réunissent plus de 100 chefs d’états pour étudier la possibilité de taxer les mouvements de capitaux ou les ventes d’armes.
Nous n’y sommes pas pour rien.

En 1998 , le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) puis l’OMC, étaient des sigles inconnus du grand public, l’AGCS une notion mystérieuse, aujourd’hui les décisions de l’OMC sur tous les aspects des échanges commerciaux sont largement commentés dans les médias, comprises, et condamnées par des franges toujours plus larges de l’opinion publique.
Nous n’y sommes pas pour rien.

Enfin, le projet de traité constitutionnel pour l’Europe, si évident, si compliqué, disaient-ils, nous avons réussi en dix huit mois à nous en emparer, à l’assimiler, à l’expliquer, à notre manière par des milliers de petites interventions sur tout le territoire. Nous avons réussi à ensemencer le doute dans les esprits avant que l’énorme raz de marée de la propagande étatique et médiatique ne déferle.

Avec nos très petits moyens, notre obstination, notre appel à l’intelligence des citoyens, nous avons vaincu tous leurs médias, leurs partis, leurs directeurs de conscience même au niveau européen .

Pas étonnant qu’ils nous haïssent maintenant. La victoire du Non nous n’y sommes pas pour rien.
La tactique est toujours la même : convaincre en expliquant à des gens qui nous connaissent en parlant la même langue qu’eux. Ignorer les slogans. Éviter les proclamations de matamore, genre : "Tambour battant" ou les grandes initiatives centralisées que nous n’avons pas les moyens d’organiser. Parler surtout aux indécis, ou aux adversaires, c’est là qu’il y avait des voix à gagner. Agir chacun à son rythme, à sa main.

La manière dont s’est articulée l’activité d’ATTAC durant cette campagne devrait être une leçon pour l’avenir. Des comités locaux dispersés sur le territoire, totalement autonomes, profondément immergés dans la population. Un conseil scientifique les approvisionnant en nombreuses et excellentes munitions. Le conseil d’administration organisant en renfort les déplacements des infatigables intervenants nationaux ou européens.
Par contre les affiches ou les quatre pages indigestes, pas génial . Les comités locaux ont fait mieux.
Il ne faut pas oublier les collectifs pour le Non, leur diversité, les échanges d’expériences, et les barrières de préjugés qui s’effondrent. Le travail commun ne durera peut-être pas au-delà des prochaines échéances électorales, mais il restera l’estime réciproque, et parfois des amitiés nouvelles.

Nous devons continuer à cheminer riches de nos diversités, de nos cultures multiples, de nos histoires éparses, de nos sales caractères. Garder notre distance par rapport à l’actualité : 2007 sera une rude épreuve. J’en entends qui ont des fourmis dans les jambes.
Les "victimes de la Traversée du Désert" puisque c’est ainsi qu’ils nomment l’activité habituelle des militants d’ATTAC hors des périodes d’élection , verront enfin la fin de leur calvaire dans les oasis électorales. Qu’ils y restent cette fois !

Nous, nous devons demeurer aussi insaisissables qu’une goutte de mercure . Nos thèmes sont dans les têtes, il faut les enrichir, les faire croître .

Creuser notre sillon avec "une ardente patience". [1]

Patrick ROSEN Attac pays d’Arles

 [2]

Notes

[1*

[2*merci Rimbaud.

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