« Riposte graduée » : une « Liste blanche » annonce les heures sombres d’Internet en France
Paris, le 23 février – La ministre de la Culture, en charge de la loi introduisant la « riposte graduée » contre les partageurs de fichiers (loi dite « HADOPI » ou « Création et Internet ») a annoncé que les points d’accès wi-fi publics devront être filtrés pour ne permettre l’accès qu’à une « liste blanche » de sites autorisés. On atteint là le paroxysme de la logique absurde de cette loi dangereuse et vouée à l’échec. C’est un parfait exemple de la manière dont une législation répressive et ignorante peut mener à une régression terrible du développement de nos sociétés numériques et de l’innovation. L’Internet français entre dans ses heures sombres.
Le futur de l’Internet français ?
La ministre de la Culture, Christine Albanel, a été entendue [1] devant la Commission des lois de l’assemblée nationale. Elle a dû expliquer les détails de la mise en œuvre de la loi instaurant la « riposte graduée » qui sera examinée début mars. Dans ce dispositif une autorité administrative peut, sur dénonciation d’acteurs privés travaillant pour les industries du divertissement, ordonner des coupures d’accès Internet pour une durée allant jusqu’à 12 mois [2] pour les internautes suspectés.
Une des faiblesses majeures de ce dispositif est que les « preuves numériques » collectées par ces acteurs privés [3] n’ont aucune valeur légale, aucune substance et ne peuvent prouver ni la contrefaçon ni l’identité du partageur de fichiers de façon certaine. La loi tente de contourner ce « petit » obstacle en accusant les contrefacteurs présumés de défaut de sécurisation de leur connexion contre une utilisation à des fins de reproduction sans autorisation [4].
De cette manière, n’importe qui peut être puni si des membres de sa famille ou ses voisins utilisent sa connexion sans-fil ou bien si son ordinateur est contrôlé à distance par un logiciel malveillant [5] . Cette responsabilité nouvelle présente en retour de nombreux problèmes légaux insolubles : comment peut-on « sécuriser sa connexion » ? Comment prouver sa bonne foi ?
En allant plus loin dans l’absurdité de cette logique, la loi indique que l’autorité administrative tiendra à jour une liste d’outils de sécurité [6] dont l’utilisation exonérera de poursuites ceux qui les auraient installés. Quiconque étant au fait des technologies d’Internet devrait avoir compris à ce stade que le dispositif dans son ensemble est idiot. Mais quid de la nature de ces outils ? Qu’en est-il des réseaux wi-fi publics ?
La ministre a fait preuve de génie en répondant très sérieusement à cette question : pour s’assurer que personne n’utilisera d’accès wi-fi public pour réaliser des contrefaçons, les points d’accès devront offrir un accès filtré limité à une « liste blanche » de sites web autorisés [7]. C’est aussi simple que cela. Pousser l’économie numérique complète d’un pays dans les ténèbres et étouffer l’innovation dans une tentative désespérée de sauver une loi qui, à peine votée, sera déjà obsolète.
« Ce retour à un réseau centralisé, contrôlé par l’État, est aussi effrayant qu’inapplicable. Pourtant, il est emblématique d’un gouvernement qui écrit la loi avec une ignorance et un archaïsme similaires à ceux des industries du divertissement à l’origine de la " riposte graduée ". Ils sont, comme cette loi, voués à l’échec. » conclut Jérémie Zimmermann, co-fondateur de La Quadrature du Net.
By neurone227
Created 23 févr. 2009 - 19:40
(CC)BySa - La Quadrature du Net - 2008
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