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LES LOBBIES EN EUROPE

Attac Pays d’Arles : incitation à la lecture et à l’action....

samedi 11 février 2006, par Forum Civique Européen

Parler des lobbies en Europe et plus largement à l’échelle planétaire ne peut s’expliquer seulement par la connivence entre monde économique et monde politique.
Cette connivence n’a pu subsister et se développer qu’en raison du déficit démocratique des institutions européennes et d’un fonctionnement opaque permettant de faire, dans le secret des alcôves de la Commission européenne, du comité 133 et du Conseil européen, la part belle aux transnationales.
Mais contrôler l’institution européenne en limitant le rôle du Parlement européen et en mettant hors jeu les parlements des États membres n’était pas suffisant pour libéraliser en toute quiétude. Il fallait aussi s’assurer non seulement du silence des médias mais disons le de leur complicité.

Mon topo devait donc se faire sous 3 axes :

1 - Petit rappel du fonctionnement institutionnel européen dans ce qu’il offre de perméabilité aux transnationales et à leurs lobbies.


2 - Quels sont les moyens par lesquels les transnationales assurent leur domination ? Et pour quels objectifs ?


3 - Quel est le niveau de contrôle des médias par les transnationales ?

Assez rapidement je me suis rendu compte que c’était énorme ; j’ai donc laissé la problématique "médias" de côté.

Le fonctionnement des institutions européennes

Rappelons tout d’abord que le Parlement européen n’exerce qu’un pouvoir limité sur la Commission dont il ne choisit ni le Président, ni les membres. "Le contrôle et, éventuellement, la censure portent sur la conformité des actes de la Commission avec les traités et les décisions du Conseil des ministres, non sur le contenu même". Il ne peut proposer de lois mais est associé dans un certain nombre de cas à une procédure, dite de co-décision avec le Conseil des Ministres (ex : directive Bolkestein).
Le Parlement compte 732 membres. Je vous donne des chiffres parce que tout à l’heure nous mettrons en relation le poids humain des lobbies présents à Bruxelles par rapport au poids humain des institutions européennes.
L’institution européenne repose sur un pilier central : la Commission européenne qui présente la particularité d’être, à la fois, l’outil politique le plus important et le moins responsable politiquement.
La Commission a un mandat de 5 ans et supervise le travail des 25000 fonctionnaires de l’Union répartis dans les directions générales à Bruxelles. Chaque pays dispose d’un commissaire. Tous les commissaires - et donc toutes les directions - n’ont pas un égal pouvoir. Par exemple, les DG I (direction générale du Commerce extérieur), DG III (Entreprises et Industrie) et DG XV Marché intérieur et Services) ont beaucoup plus d’influence sur la politique européenne que les DG V (Emploi, Affaires sociales et Égalité des chances) ou DG XI (Environnement) ce qui ravit les industriels qui ont un accès privilégié direct aux DG Industrie et Marché unique alors qu’écologistes et syndicats n’ont affaire qu’à des DG moins influentes.
Cette Commission européenne est le véritable moteur de la construction européenne car elle détient un monopole, celui de l’initiative législative.

Aujourd’hui, au stade actuel de la construction européenne la souveraineté des États membres n’est plus tout à fait nationale et pas complètement européenne sauf dans le champ très large de ce que couvre l’OMC. En effet, dans ce champ, la Commission européenne dispose de pouvoirs qui excèdent ceux des gouvernements des États membres. En vertu de l’article 133 du traité instituant la Communauté européenne, les décisions dans ces domaines ne se prennent plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée dans toutes les instances intergouvernementales ; avec la conséquence qu’il n’est plus possible de privilégier des politiques nationales dans ce champ, car les décisions qui s’imposent à tous sont prises en Conseil des ministres à la majorité qualifiée - c’est à dire, selon le traité de Nice en application jusqu’en 2009, lorsque la moitié des États membres se sont prononcés, à condition qu’ils représentent 72,3 % des voix et qu’ils réunissent 62 % de la population de l’union. Échappent seuls pour l’instant (traité de Nice) à cette règle de la majorité qualifiée : les domaines de l’enseignement, de la santé (y compris les services sociaux) et de la culture ainsi que les questions relatives à l’investissement qui restent encore protégés par une obligation d’unanimité. Pour combien de temps ?
Pourquoi est-ce dangereux ? Tout d’abord parce qu’un État seul ne peut refuser une décision qu’il jugerait contraire à sa politique ou qui serait rejetée par son parlement ou sa population. Ensuite parce qu’à 25, l’Europe autorise et favorise, dans le climat malsain de la compétitivité, toutes les pressions et tractations pour parvenir à la majorité qualifiée. Ces pressions et tractations sont de même nature que celles mises en oeuvre par les pays du Nord à l’égard des pays du Sud dans le cadre de l’OMC.
Rappelons également qu’en vertu de l’article 133, c’est l’union européenne et non pas chaque État membre, qui est le négociateur de l’OMC ainsi que de toutes les négociations commerciales de l’U.E. avec d’autres États.
Et le négociateur en titre, c’est le commissaire chargé du commerce international ; se sont succédés à ce poste le conservateur britannique Leon Brittan (Commission Santer), le social-démocrate français Pascal Lamy (Commission Prodi) et actuellement Peter Mandelson (Commission Barroso) ; ce commissaire est également en contact avec les autres États membres de l’OMC ainsi qu’avec l’OMC.
Raoul Jennar commente ainsi le pouvoir de la Commission : "Le schéma classique selon lequel "la Commission propose et exécute et le Conseil décide", s’il reste partiellement conforme aux textes, ne correspond plus à la réalité. Ainsi dans le vaste domaine de la politique de concurrence, qui affecte notamment la politique industrielle et les services publics, en vertu des traités, la Commission cumule des pouvoirs législatifs, exécutifs et même judiciaires. Une véritable petite OMC à l’échelle européenne ! Par exemple, en matière de mise en circulation des produits dans le cadre du marché unique, la Commission dispose du pouvoir de décider en dernier ressort : un exemple fameux en fut l’autorisation donnée à Novartis de commercialiser du maïs génétiquement modifié en dépit de l’hostilité déclarée d’une majorité d’États membres. Ce n’est donc plus le Conseil qui décide".

Mais comment fonctionne cette Commission ?

"L’article 133 déjà cité, dispose en son alinéa 3 que les négociations conduites par la Commission ont lieu "en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil pour l’assister dans cette tâche et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser". C’est la base juridique d’un des instruments les plus opaques de la prise de décision européenne : le comité 133.
Le comité 133 est compétent pour toutes les matières couvertes par l’OMC [...]. Il est aussi présent dans le cadre des négociations en vue d’élargir le partenariat transatlantique".
Le comité 133 est composé de représentants de la Commission et de hauts fonctionnaires nationaux désignés, donc politiquement non responsables puisqu’ils n’ont de compte à rendre qu’à leur hiérarchie administrative.
Pour nous mettre dans l’ambiance, deux exemples des liens très particuliers qui unissent le monde des affaires et de la Commission européenne :
Premier exemple : la seule Association des chambres américaines de commerce (AMCHAM) a publié, dans la seule année 1998, dix ouvrages et plus de soixante rapports et pris part à environ 350 réunions avec la Commission européenne et le Parlement. Et il ne s’agit là que d’un lobby parmi d’autres.
On aurait aimé que la société civile dans son ensemble dispose de moyens équivalents et soit représentée de façon égale.
Deuxième exemple avec notre tête d’affiche nationale, le socialiste français Pascal Lamy, aujourd’hui directeur général de l’OMC ;

Qui est Pascal Lamy ?

Né en 1947 de parents pharmaciens et catholiques. Milite pendant 10 ans à la Jeunesse étudiante chrétienne. Études à HEC, à sciences Po. et à l’ENA. Débuts professionnels à l’Inspection générale des finances puis Direction du Trésor (1975-81). En 1981 avec l’arrivée des socialistes au pouvoir, il devient directeur adjoint du cabinet de Jacques Delors, ministre de l’Économie et des finances, qui rassemble autour de lui des catholiques ayant adhéré au PS. Il fait ensuite partie du cabinet du premier ministre Pierre Mauroy pour piloter ce "tournant de la rigueur" et veiller à ce que ce ralliement des socialistes aux thèses libérales ne connaisse aucune altération.
1985 : Jacques Delors devient président de la Commission européenne ; il choisit Pascal Lamy comme directeur de cabinet et comme "sherpa" (chargé de préparer les réunions du G7). Il le restera pendant 3 mandats de Delors. Durant cette période, Lamy siège au comité directeur du PS. Il va notamment travailler à réduire les initiatives de la Commission européenne en matière d’environnement, sujet d’irritation grandissante pour le patronat européen. En 1994, lorsque Delors quitte la Commission, Lamy entre au comité de direction du Crédit Lyonnais. Cinq ans plus tard il en est le directeur général et prépare la privatisation de la banque et les licenciements massifs qui l’accompagnent. Désigné par le syndicat CGT comme "celui qui a organisé la casse sociale", on le surnomme "le para", "la brute" ou encore "l’Exocet". C’est pendant cette période qu’il préside la commission "prospective" du CNPF, le futur MEDEF. Ce qu’on sait trop peu, c’est qu’il fait partie des conseillers de la branche européenne de la Rand Corporation, le principal "think tank (réservoir à penser) du complexe militaro-industriel américain. Il est également membre du conseil d’administration d’un autre "think tank" basé à Washington : l’Overseas Development Council. Enfin, il est membre du bureau et trésorier de la branche française de Transparency International, une association qui, officiellement, oeuvre en faveur de la transparence des institutions publiques et qui en fait véhicule les thèses de l’État minimum. Elle sert très souvent de paravent à des opérations des services de renseignement américain. En 1999, il est proposé par Dominique Strauss-Khan, ministre de L’Économie et des Finances, et Lionel Jospin, Premier ministre, pour siéger au sein de la Commission européenne à la tête du Commerce international. Il inaugure son mandat de manière spectaculaire en proposant de lever l’interdiction d’importer en Europe des semences génétiquement modifiées en provenance des États Unis. Peu après son entrée en fonction, il déclare devant l’assemblée du Trans Atlantic Business Dialogue (TABD), un des plus puissants lobbies d’affaires : "La nouvelle Commission soutiendra [les propositions du TABD] de la même manière que la précédente. Nous ferons ce que nous avons à faire d’autant plus facilement que, de votre côté, vous nous indiquerez vos priorités[....]. Je crois que le monde des affaires doit aussi parler franchement et convaincre que la libéralisation du commerce et en général la globalisation sont de bonnes choses pour nos peuples..." Berlin octobre 1999. Le 8 juin 2000, il déclare à l’US Council for International Business : "Nous avons besoin du soutien du monde des affaires au système de l’OMC pour davantage de libéralisation". Comment faire confiance à un homme qui déclarait à Strasbourg en octobre 1999 :"L’OMC doit élargir ses attributions pour englober des questions de société telles que l’environnement, la culture, la santé et la nourriture, qui, à l’instar de la concurrence et de l’investissement, ne peuvent plus être tenues à l’écart du commerce".
Nous allons examiner de façon un peu plus détaillée, les principales organisations de lobbies présentes à Bruxelles et leurs façons de peser sur la politique européenne.
Je vous demande pour tout ce qui va suivre de garder en tête, que la Commission se présente comme, je cite : « ...institution dont la vocation est la représentation totalement impartiale de l’intérêt général ».

L’industrie du lobbying à Bruxelles

Bruxelles regorge aujourd’hui de manœuvriers. Plus de 15 000 professionnels du lobbying hantent les couloirs de la Commission, du Conseil et du Parlement, la grande majorité d’entre eux issus d’agences de relations publiques, de lobbies de l’industrie ou d’entreprises particulières. L’éclosion de l’industrie du lobbying date de la fin des années 80 et début 90, période durant laquelle la Commission était essentiellement occupée à rédiger les quelques 300 directives qui allaient former le squelette du Marché unique.

Suite dans le documents joint en PDF.

André

Bonne lecture

Voici les références :
Europe : la trahison des élites de Raoul Jennar - éditions Fayard
Europe : une alternative - les Notes de la Fondation Copernic - Syllepse

Remettre l’OMC à sa place - % Attac Mille et une nuits

Quand le capitalisme perd la tête - Joseph E.Stiglitz - livre de poche

et surtout, :

EUROPE INC. Comment les multinationales construisent l’Europe et l’économie mondiale chez Agone.

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