L’affaire des "forçats de la Crau" sera rejugée à Aix
Article publié dans l’édition de laProvence du mardi 18 décembre 2007 à
Il y aura un prochain épisode à la saga judiciaire des "forçats de la Crau".
Il se déroulera devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, puisque le parquet de Tarascon a décidé de contester le jugement de relaxe rendu le 4 décembre à l’encontre de Laurent Comte, patron de la société Cossure Fruits. La décision du ministère public, qui implique "la remise à plat de l’ensemble du dossier", selon le procureur Antoine Paganelli, va imposer aux juges de la cour d’appel de poser à nouveau la question de la responsabilité pénale de Laurent Comte.
Avant le parquet, les parties civiles au procès (l’Union locale CGT de Fos et 62 ouvriers agricoles saisonniers), que les juges tarasconnais ont débouté de leurs demandes, avaient également relevé appel dans l’espoir d’obtenir, en seconde instance, les dommages et intérêts réclamés : soit 10 000 pour chacune d’elles. "Ce qui intéresse les ex- salariés de M. Comte, c’est d’avoir un dédommagement, confirme Jean-François Duverdier, de la CGT de Fos. Ça compenserait ce qu’ils ont vécu pendant de nombreuses années au plan de leurs conditions de vie comme en ce qui concerne les risques sanitaires auxquels ils ont été exposés."
Au-delà de l’accusation d’hébergement indigne, reconnue comme infondée par les juges de Tarascon, le syndicaliste n’oublie donc pas les conséquences inévitables que subiront tôt ou tard les saisonniers qui ont manipulé des produits phytosanitaires sans protection adéquate. Un pan du dossier qui a été quelque peu relégué dans l’ombre des conditions d’hébergement des ouvriers agricoles maghrébins employés en contrats OMI (Office des migrations internationales), principal motif de l’agitation médiatique de l’été 2005.
La question de la "dignité"
En le relaxant, le tribunal correctionnel a jugé que Laurent Comte n’avait pas délibérément voulu attenter à la dignité de ceux que certains ont qualifié "d’esclaves des temps modernes" . Il a considéré aussi que le prévenu, qui avait délégué l’entretien des bungalows sans aucun confort dans lesquels étaient entassés les saisonniers, n’était pas le premier responsable du scandale.
Un jugement qui ne pouvait décidément pas convaincre le parquet, qui avait pris l’initiative des poursuites contre Laurent Comte et qualifié les faits de "dégueulasses" à l’audience, par la voix du vice-procureur Alain Lapierre. À Aix, Me Jakubowicz, avocat de Laurent Comte, devra encore convaincre que son client n’est pas le "négrier" décrit par beaucoup.
Par Laurent Rugiero ( lrugiero@laprovence-presse.fr )
Pour lire la suite et le dossier plus complet voici un annexe de quelques articles de la Provence paru depuisle mois d’octobre au sujet des forçats de la Crau
Pour découvrir des témoignages veuillez consulter ledocumentaire de Denis Piningre L’assiette sale
Après avoir travaillé des années, ils sont sommés de repartir
Publié le mardi 11 décembre 2007 par La Provence
Le cas de deux travailleurs agricoles marocains dont l’un a été employé 23 ans ans est examiné devant la cour administrative Aït Baloua est devenu, bien malgré lui, une figure emblématique du combat mené par les ouvriers saisonniers.
"Moralement choquant." Même la commissaire du gouvernement semble troublée par la situation de ces deux saisonniers qui des années durant ont courbé l’échine dans des propriétés agricoles de la région et dont le maintien en France est suspendu à l’interprétation de leur situation au regard du droit par les juges de la cour d’appel administrative
."Ça fait 25 ans que je travaille en France et si vous ne faites rien, le 18 janvier, je serai dans la rue à 100%." Aït Baloua, figure emblématique du combat mené par les saisonniers des Bouches-du-Rhône, a expliqué brièvement aux juges, hier, ce qui l’attendait si la cour d’appel administrative revenait sur une précédente décision du tribunal administratif, enjoignant le préfet des Bouches-du-Rhône de lui accorder une carte de résident de 10 ans.
En février 2007, la juridiction administrative avait en effet estimé que ce Marocain, sous contrat de travailleur saisonnier de l’Office national des migrations (OMI), embauché pendant 23 ans à raison de 6 mois par an, portés systématiquement à 8 mois, occupait en réalité un emploi permanent. Mais pour le commissaire du gouvernement, l’obtention d’une carte de 10 ans suppose une présence "constante" en France sans allers-retours au pays, pourtant prévus par les contrats OMI.
"Ce serait la négation de toute protection à l’égard de travailleurs saisonniers", estime Hervé Gouyer, juriste de l’association Espace accueil étranger. Ils sont ainsi 4000 chaque année, recherchés pour des tâches pénibles, dédaignées par la main d’oeuvre française, dans des conditions qui frisent parfois l’esclavage moderne.
Ahmed Chorfa aurait-il dans son malheur plus de chance ? Employé 15 ans dans les mêmes conditions, il a été victime d’un accident du travail. Le 12 juillet 2007, le tribunal administratif lui accorde une carte de séjour temporaire d’un an. Le préfet fait aussi appel. Hier, le commissaire du gouvernement a estimé que cette décision était justifiée à "titre humanitaire", Ahmed Chorfa nécessitant toujours des soins. La cour d’appel rendra sa décision dans les deux affaires le 14 janvier.
Dominique Arnoult, journaliste, la Provence