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Traité constitutionnel : « les services publics »

vendredi 15 avril 2005, par ATTAC Pays d’Arles

Le fait que cette Constitution soit uniquement marchande doit être souligné. Il ne faut pas oublier de ce point de vue les services publics non marchands.

Le terme « les services publics » ne fait pas partie du vocabulaire européen. Il convient donc de préciser la signification des dénominations utilisées par l’Union européenne et la Constitution.

Les services d’intérêt général (SIG) comprennent deux catégories de services que les autorités publiques nationales considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations de service public.
Ces deux catégories sont : les services non marchands (SIG non marchands) et les services marchands appelés services d’intérêt économique général (SIEG).

Les SIG non marchands (éducation nationale, services sociaux, par exemple) qui sont également définis comme à la fois non économiques et sans effet sur le commerce ne sont pas couverts par le droit communautaire.
L’action de l’Union sur les SIG non marchands a néanmoins trois composantes :
l’harmonisation des pratiques entre les États membres,
la diffusion de l’idéologie libérale
et la promotion des technologies de l’information (enseignement numérique à distance ou e-learning pour l’éducation).
Les SIG non marchands ne figurent ni dans les traités, ni dans la Constitution, ni plus généralement dans le droit communautaire. Ils ne sont même pas définis précisément dans les textes de la Commission.

Les SIEG sont décomposés en deux catégories :
les SIEG de réseau (poste, électricité, gaz, transport, télécommunications, etc.)
et les autres SIEG (gestion des déchets, approvisionnement en eau, télévision, radio, etc.).
Les SIEG de réseau sont soumis au droit communautaire par des cadres réglementaires. Les autres SIEG n’ont pas de cadre réglementaire européen.
Par contre les deux catégories de SIEG sont soumis aux règles du marché intérieur, aux règles de la concurrence et aux limites très strictes encadrant les aides de l’Etat. Les SIEG figurent dans les traités et dans la Constitution européenne.

La première conclusion qu’il faut tirer de ce retour au lexique européen est que les SIG non marchands ne trouvent aucun fondement juridique dans la Constitution européenne. C’est d’autant plus inquiétant qu’on ne trouve nulle part une définition claire ou une liste de ces SIG non marchands, que la frontière entre SIG non marchands et SIEG est floue et changeante. Elle dépend des interprétations des Etats membres et des institutions de l’Union.

Autres conclusions.

- La Cour de justice de la Communauté européenne (CJCE) a une conception extrêmement large et néolibérale de la notion de service économique.
Les droits qui figurent dans "les articles pre-Bolkestein" (III-133 à III-150) s’appliquent donc à tout service qui donne lieu à un transaction commerciale et à toute forme de paiement (par forcément monétaire). Définition extensive du secteur marchand et droits associés exclusivement au secteur marchand : la Constitution est une machine à marchandiser toute activité humaine.

- Le secteur non marchand est menacé (condamné) par le secteur marchand.
En effet, une société marchande offre toujours dans sa gamme de services une partie qui est offerte par ailleurs par les sociétés ou associations non marchandes. Elle utilise pour ce faire son pouvoir de marché. C’est un processus que les américains appelle "bundling" (to bundle : empaqueter)

- C’est pour quoi les SIG non marchands (éducation nationale, services sociaux, par exemple) sont condamnés à terme par la Constitution.
Il est dans la logique de la Constitution qu’ils disparaissent et soient remplacés par des SIEG, ou pire encore par des services marchands.

- La technologie, l’élargissement de l’Union (coût du travail dans les nouveaux États membres) aussi bien que le marché mondial (AGCS et traités bilatéraux de commerce) sont des facteurs d’accélération.

A/ La technologie permet tout partout (ubiquité des services) : les prestataires de services, les services eux-mêmes, les clients des services, et les établissements qui les fournissent circulent librement et utilisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Prestataires, services, clients, établissements sont donc indépendants les uns des autres et déterritorialisés (virtualisés) à l’envi. Enfin les services sont constitués de blocs ("building blocks" : blocs constitutifs ; "mass customization" : personnalisation de masse ) assemblés au moment de leur consommation.

B/ La réalisation du marché intérieur des services est une des objectifs majeurs de la stratégie de Lisbonne qui vient d’être relancée par la Commission Barroso et trouve son fondement juridique dans la Constitution européenne (notamment aux articles III-133 à 150). On ne fera jamais assez de publicité au communiqué officiel de la présidence luxembourgeoise (Jean-Claude Juncker) de l’Union européenne qui est reproduit ci-dessous (source : le site officiel de l’Union européenne). Le surlignage est de moi. Il faut aussi lire les conclusions de la présidence du Conseil européen. Voici le lien qui vous permet d’y accéder : Conclusions du Conseil européen - 22 et 23 mars 2005 <http://www.eu2005.lu/fr/actualites/...>

C/ L’option libre-échangiste mondiale est inscrite dans la Constitution notamment aux articles (III-151-6-a et III-314). La directive Bolkestein n’est pas retirée (cf. communiqué ci-dessous).
Si le "oui" l’emporte, la directive Bolkestein passera à l’automne, comme lettre à la poste, avec le principe du pays d’origine (PPO - le droit du pays du prestataire des services s’applique et non pas le droit du pays où la prestation est faite).

En décembre 2005, lors de la conférence interministérielle de l’OMC de Hong-Kong et des négociations sur l’Accord général sur le commerce des services (AGCS)... puisque le PPO permet de préserver le modèle social européen (cf. communiqué ci-dessous), puisque les Britanniques sont les plus favorables au PPO, pourquoi l’Union européenne et son commissaire au commerce, le Britannique, Peter Mandelson ne propose-t-il pas de généraliser le PPO à l’ensemble des pays membres de l’OMC ?

Ainsi le droit chinois pourrait s’appliquer en France à toute prestation de services effectuée par une société chinoise ou par un travailleur indépendant chinois.

Voila une bonne idée !

Amitiés, Alain Lecourieux

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