Ce voeu est une insulte à l’histoire de notre pays et de notre commune.
Je vais vous rappeler la Constitution de 1793 :
« Tout étranger âgé de 21 ans, qui domicilié en France, y vit de son travail, ou acquiert une propriété ou pouse une française ou adopte un enfant ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin, qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis à l’exercice des droits des citoyens français. »
Voilà plus de deux siècles, la République se définissait ouverte et accueillante. Votre pensée est moyenâgeuse, Arcueil a accueilli bien des migrants : Marie Curie par exemple, Antoine Marin dont un prix d’art contemporain porte le nom… Combien de familles venues d’Italie ou d’Espagne fuyant le fascisme, combien de familles juives d’Europe de l’Est dont plusieurs, hélas, livrées par la police de Pétain au régime Nazi.
Des gens célèbres mais aussi des maçons, des carriers, des ouvriers, des instituteurs, des réalisateurs, des commerçants. Dulcie September, luttant en France contre le régime de l’apartheid jusqu’à son assassinat. Des réfugiés chiliens fuyant Pinochet et même sans doute des réfugiés roumains fuyant la dictature Ceausescu.
Si nous avions fermé la porte aux migrants vous ne trouveriez guère de médecins à l’accueil des urgences de l’hôpital, les poubelles ne seraient plus ramassées dans nos rues, votre colistière ne serait peut‐être pas à vos côtés ce soir et Picasso n’aurait pas rencontré Julio Gonzalez ici même.
Votre vœu est une honte à propos des réfugiés alors qu’en ce moment même des enfants meurent sous les bombes à Alep, des familles sont affamées, les opposants politiques assassinés en Syrie, au Soudan ou en Erythrée.
Votre vœu est une honte parce que plus de 11 000 personnes ont péri en Méditerranée au cours des deux dernières années.
Notre ville s’est déclarée prête voilà un an à participer à l’accueil de réfugiés car Calais, les bidonvilles qui fleurissent sont une indignité. A ce jour nous n’avons pas été sollicités, mais je réitère au nom de la majorité municipale notre disponibilité à accueillir les deux ou trois familles que les engagements internationaux nous demanderaient d’accueillir.
Il y a 36 000 communes en France, les engagements internationaux de la France parlent de 30 000 réfugiés, l’évacuation de Calais et des autres camps concerne 12000 personnes. Cela ne fait même pas une famille par commune ! Et nous ne pourrions pas ?
A Arcueil, des particuliers se sont portés volontaires pour accompagner ces migrants dans leur insertion et même plusieurs pour les loger. Une famille syrienne vit depuis 3 ans dans un logement de 30m² avec 3 enfants. Elle est avocate, lui ingénieure et ils vivent en faisant des ménages et des traductions.
Beaucoup de familles françaises ont un parent ou un aïeul étranger. Ici même dans le conseil nous avons des parents, grands‐parents venus de Belgique, de Guinée, du Cameroun, de Pologne, d’Algérie, du Maroc, de Roumanie, de Serbie, du Portugal, d’Espagne…
Ils forment notre nation par leur adhésion aux valeurs de la République.
Votre voeu cultive le fonds de commerce de votre parti, la peur, la haine de l’étranger.
Marion Maréchal Le Pen parle des migrants comme la « poussière » que l’on disperse. Elle dit « ça » pour qualifier des humains. Ces discours, cette attitude ressemblent énormément aux années 1930 lorsque, la crise économique s’aggravant, des gouvernements ont fait des juifs, le bouc émissaire de la colère de leurs peuples.
Les êtres humains ont en eux, la capacité à s’élever, la capacité d’empathie et de fraternité. Ils ont aussi des pulsions de mort et de violence contre lesquelles la culture, l’éducation et l’amour de son prochain doivent former rempart.
Vous portez une très lourde responsabilité en appuyant sur ces tentations de haine et de xénophobie.
Nous ne vous laisserons pas dénaturer notre pays. »
Daniel Breuiller, Maire d’Arcueil