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Festival Paroles Indigo à Arles du 7 au 9 novembre 2014

D’autres façons de dire le monde

mercredi 5 novembre 2014, par Forum Civique Européen

Pour sa seconde édition, Paroles Indigo, le festival des littératures arabe et africaine, met à l’honneur des invités venus du Liban, de Syrie et du Maroc. À distance des voix politiques et médiatiques, quelle approche nous proposent ces auteurs, ces éditeurs et ces artistes ? Que nous disent la littérature, le patrimoine architectural ou le cinéma, loin du discours officiel ? En parallèle de cette programmation littéraire, Paroles Indigo fait cette année encore la part belle à des propositions ludiques, liées au papier, à l’écriture ou à la lecture pour que les plus petits profitent de ces rencontres. Paroles Indigo se veut une fête arlésienne du livre qui rassemble tous les publics.

En rencontres, débats, lectures, expositions, cinéma, musique, les langues se lient et se délient, se parlent, se chantent, se disent, se partagent et dévoilent leur puissance poétique !
Temps forts

Le 7 novembre à 18h00, salle d’Honneur de l’Hôtel de Ville :

Approches sensibles de la Syrie : intérieur, extérieur. Table ronde consacrée aux réfugiés syriens, avec Houda Kassatly, volontaire de l’association « arcenciel » (Liban), Joumana Maarouf et Nathalie Bontemps, auteur et traductrice de Lettres de Syrie paru aux éditions Buchet Chastel.

Le 8 novembre à 15h, théâtre :

Architectures de terre. Un dialogue entre Houda Kassatly, ethnologue et photographe, auteur du livre De Terre et de lumière paru aux éditions Al Ayn, sur les architectures de terrre en Syrie et Hubert Guillaud, co-directeur scientifique de l’Unité de recherche Architecture, Environnement & Cultures constructives (CRAterre-ENSAG) à Grenoble.

Le 8 novembre à 20h, Cinémas Actes Sud :

Hommage au cinéaste Ahmed Bouanani (1938-2011). Cinéaste, écrivain, poète anti-colonial, il est un des chantres des auteurs marocains dits « de la parole insoumise ». Trois de ses films sont projetés en présence de sa fille : Touda Bouanani

Le 9 novembre à 14h30, Chapelle du Méjan :

La Guerre au plus près. Cette table ronde réunit quatre personnalités, dont Joumana Maarouf et Nathalie Bontemps, qui témoignent de ce que la guerre a transformé dans leurs traductions et/ou leurs écrits. (Dans le cadre des Assises de la traduction littéraire.) 

Questions à Houda Kassatly

Invitée du festival Paroles Indigo, Houda Kassatly, ethnologue et photographe libanaise, parle de ses travaux sur l’architecture de terre, mais aussi de son engagement auprès des réfugiés syriens du Liban. Elle participe à trois des moments forts du festival. Entretien.

« Je me considère comme une archiviste de mondes en voie de disparition. »

Quel impact a eu la guerre du Liban ou l’actuel conflit en Syrie sur votre travail ?

La guerre en Syrie n’est qu’un versant de mes multiples guerres. J’ai grandi sur la ligne de démarcation, nommée la ligne verte, qui coupait la ville de Beyrouth en deux et j’ai appris très jeune (comme tous les Libanais) à composer avec une géographie particulière. Dans mon travail de photographe, je n’ai pas souhaité m’appesantir sur les images de morts et de violence brute, préférant travailler sur l’impact du conflit sur l’architecture de la ville. Je suis concernée par la guerre en Syrie dans la mesure où le destin des deux pays est intimement lié. Deux mois avant que le conflit ne commence, j’ai publié un ouvrage sur l’architecture de terre au nord d’Alep et j’avais l’habitude de me rendre très souvent dans ce pays. De plus, je fais partie de l’association « arcenciel » qui a de nombreux projets dont les réfugiés syriens sont les bénéficiaires et je suis en contact régulier avec le terrain.

La photo occupe une place centrale dans vos travaux, pourquoi ?

Je me considère comme une archiviste de mondes en voie de disparition. Je travaille, entre autres, sur des architectures en péril. J’ai pensé qu’il était essentiel de garder un témoignage visuel de ce qui était condamné par les guerres et les reconstructions ou par la modernité. Cela peut s’avérer très utile comme dans le cas de mon travail sur l’architecture de terre au Liban. L’association « arcenciel », qui voulait construire un village en briques de terre crue dans la plaine de la Bekaa, s’est servi de l’ouvrage publié sur le sujet pour retrouver les modèles, formes et composantes dont le souvenir s’était dilué avec le temps. Ce livre aurait pu finir oublié sur une étagère, il a servi à des ouvriers pour reproduire des modèles que personne ne connaissait plus.

Pouvez me dire quelques mots de votre engagement dans l’association « arcenciel » ?
Cette affiliation est essentielle pour moi. C’est une ONG très efficace dans sa politique d’action et sa mission qui est de : « participer au développement durable de la société par le soutien des communautés fragilisées et l’intégration d’individus marginalisés. » Elle mène de nombreux projets au Liban et a des franchises dans plusieurs autres pays. A titre d’exemple, un de ses derniers projets, en partenariat avec l’Ambassade de France au Liban, est un projet de retraitement des déchets des camps de réfugiés syriens, un des plus graves impacts au Liban de la présence de ces réfugiés étant, en effet, un impact environnemental.

Quels problèmes pose la présence des réfugiés syriens au Liban ?

Au Liban, trois ans après le déclenchement de la crise syrienne, l’incompréhension semble s’être durablement installée entre les deux parties. Sur le terrain, deux populations, qui se considèrent également lésées et aussi injustement traitées, se font face. Il y a d’une part une population locale exsangue dont les conditions de vie étaient déjà, avant l’afflux des réfugiés, très difficiles et les besoins énormes. Et, d’autre part, une population syrienne réduite à son statut de réfugié et qui, pour survivre, est obligée de vendre sa force de travail et de se battre, avec tous les moyens possibles, pour sa survie. Avec l’association « arcenciel », nous choisissons de lutter contre les préjugés et soutenons sans distinction les deux communautés. 

Comment s’annonce votre dialogue avec Joumana Maarouf et Nathalie Bontemps sur cette question des réfugiés syriens ?

Elles vont donner un témoignage sur ce qui a pu se passer à l’intérieur de la Syrie, et moi je parlerai de ce qui se passe au Liban en évoquant les problèmes dont jr viens de parler. Je ne sais pas si les gens mesurent l’impact de l’arrivée massive d’à peu près un million et demi de personnes dans un pays qui en comprend autour de quatre millions, soit le tiers de sa population !

Qu’attendez-vous de l’échange avec Hubert Guillaud spécialiste des architectures de terre ?

En collaboration avec « arcenciel » nous avons mené un important travail sur l’architecture en terre au Liban et en Syrie. Ce travail reste méconnu bien que nous ayons publié jusque-là trois ouvrages dont un manuel de construction pour encourager des architectes, des particuliers, ou autres à se servir de notre expérience pour promouvoir l’habitat en terre. Il était donc essentiel d’entrer en contact avec CRAterre-ENSAG (Grenoble) pour partager nos expériences. La rencontre avec Monsieur Guillaud pourrait être l’occasion de nous faire connaitre et, j’espère, de mettre en place des échanges durables.
Propos recueillis par Marie-Hélène Bonafé
à paraitre également dans le César.

Repères

Houda Kassatly

Ethnologue, elle s’est toujours consacrée aux travaux touchants à la mémoire, au patrimoine du Liban et du Moyen Orient. Chercheuse associée à l’Unité Interdisciplinaire de Recherche sur la Mémoire de l’université Saint Joseph et responsable de la section capitalisation dans l’association libanaise (arcenciel), qui œuvre pour le développement durable, elle a fondé à Beyrouth, en 2010 la maison d’édition, Al Ayn, (l’œil et la source), spécialisée dans le patrimoine culturel et architectural de la région. À une époque où guerres, conflits et reconstructions détruisent les lieux, les architectures et autres héritages locaux, cette petite maison d’édition tente d’en préserver la mémoire par l’image et les textes comme elle tente de redécouvrir les œuvres méconnues de photographes locaux du vingtième siècle…

arcenciel

« arcenciel » est une association à but non-lucratif, fondée en 1985 et reconnue d’utilité publique en 1995 par décret présidentiel N° 7541. arcenciel a pour mission de participer au développement de la société par le soutien aux groupes fragilisés et l’intégration des personnes marginalisées.
arcenciel mène ses actions à travers 13 centres et 8 programmes répartis sur l’ensemble du territoire libanais - agriculture, emploi, environnement, jeunesse, mobilité, santé, social, tourisme.
Elle possède également des franchises dans d’autres pays. www.arcenciel.org

[Arles] Festival Paroles Indigo (06 37 05 96 50) Du 7 au 9/11 www.loiseauindigo.fr

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