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Manif

NON à la démolition de Beauduc !

Un millier d’arlesiens et arlesiennes..

dimanche 19 décembre 2004, par Forum Civique Européen

Voici la lettre ouverte de la part de Sylvie de la Dure, architecte DPLG à l’attention de Monsieur Christian Frémont, Préfet de Région (Bouches du Rhône)

Monsieur

Je souhaitais m’adressez directement à vous, en tant que représentant de l’Etat, pour vous exprimer personnellement les raisons de mon soutien aux 3 associations de sauvegarde de Beauduc.

En tant qu’architecte, ne travaillant que pour la commande public, pour l’Etat donc, je suis consternée d’entendre, en justification de cette opération de démolition ordonnée de façon aussi violente le 31 novembre, que Beauduc est un "Bidonville" et qu’il doit être rasé en partie. Et très vite complétement.

Beauduc est pour moi, une sorte de patrimoine social et culturel, avant d’être architectural.

L’IFA, l’institut Français d’Architecture, subventionné par l’état, grande institution de reconnaissance de l’architecture contemporaine, lui a pourtant consacré une exposition présentant en photo et films de nombreux cabanons, avec la publication d’un ouvrage formidable, épuisé, où Patrice Goulet critique d’architecture et JL Champsaur, directeur à l’époque du CAUE de Marseille, ont exprimé très clairement les qualités de ces installations éphémères sur le Domaine Public Maritime comme le territoire privé des salins.

Beauduc est un lieu de douceur et de plaisir, où toute une population, peu favorisée au quotidien, se retrouve le week-end et pendant les congés, en famille, entre amis, avec un esprit collectif de solidarité qui m’a toujours touché. L’humanité et l’entraide sont des notions que j’aimerai ne pas voir disparaître de notre planète.

Beauduc est un lieu habité depuis le XVIII° siècle. C’est une tradition de 200 ans, un vrai patrimoine social. Qui dérange qui ?

Beauduc est un lieu où l’architecture de cabanon n’est pas inintéressante, quand on voit le savoir faire et l’ingéniosité de quelques uns pour réaliser un brin de liberté, pour construire "sa cabane", comme un rêve d’enfant...réserve d’eau de pluie, capteur solaire...pourraient être un laboratoire de savoir vivre écologique, autonome et indépendant, à l’heure où la politique environnementale axe ses investissements, encore faibles, sur le énergies durables et renouvelables.

Les problèmes sanitaires sont résolvables. Une charte définie le cadre de vie et ses obligations. Des solutions sont à imaginer. Le refus de dialogue et l’intervention de type militaire, terre, air, mer est un peu excessif.

Les constructions de Beauduc sont illégales au sens stricte juridique de l’application de la loi du littoral, on le sait tous. Pour certains c’est un lieu de résidence principal, exclus d’une société qui ne leur laisse aucune place, où l’handicap n’est même pas pris en charge par notre société, riche et abondante pour certains. J’ai honte...

Certains travaillent, pêchent, étudient, d’autres permettent à des gens extérieurs de venir se restaurer parce qu’ils aiment ce lieu, sont sensibles à cet environnement. Artistes et poètes ont trouvés en ce lieu la beauté simple et naturelle qu’ils recherchaient pour exprimer leur art. photographes, cinéastes, écrivains, architectes.... Ont besoin de lieux comme celui là pour s’inspirer et faire rêver les autres. Laissez nous des territoires non encore aseptisés...

Quand le facteur cheval a construit sa maison, il n’a pas demandé de permis de construire que je sache, et pourtant combien de visiteurs viennent s’extasier...quand Tinguely a réalisé son immense sculpture le "Cyclope" il n’a demandé aucune autorisation, et aujourd’hui c’est l’état qui préserve son œuvre...les constructeurs de cabanons de Beauduc sont eux-même des artistes de l’auto-construction, d’un art de vivre adapté à l’environnement souvent hostile. Cette notion gène le politique, qui veut tout gérer et décider pour tout le monde, mais on peut ne pas être autiste... acceptez le dialogue, le projet de charte et de mini organisation sociale appropriée. Pourquoi vouloir éradiquer ce délicieux reste de sensibilité et d’humanité qui émerge de ce contexte spécifique. Tout vouloir lisser est ennuyeux...et il me semble que supprimer "ces terrains vagues de la Liberté" accentue le mécontentement et la révolte.

En France, l’Etat participe à la réhabilitation de 40OOO lieux classés et inscrits à l’inventaire du Patrimoine. 80% de ces lieux, sont des châteaux, des abbayes, des églises, une représentation du pouvoir politique et religieux...20% seulement représentent des lieux d’architecture privé, pourquoi Beauduc n’en ferait pas parti comme un devoir de mémoire.

Les cabanons ne sont pas des "chefs d’œuvre", ils représentent la culture de l’imagination et de la "démerde" n’ayons pas peur des mots.

Je veux bien reconnaître que cette action n’est pas de votre propre initiative personnelle. Les procédures juridiques, avec ordonnances et astreintes sont à l’ordre du jour depuis 1994. Vous arrivez sur un dossier très lourd, mais autant votre action pendant les inondations a été remarqué de façon exemplaire, autant un an après, votre opération de type commando sur Beauduc, ne peut être soutenue.

On ne laissera pas les services de l’Etat continuer leur action de démolition de 101 cabanons.
Des solutions techniques existent.
Etudions les.

Et peut-être qu’un jour on pourra aller au cinéma voir un superbe film qui défie la chronique " Beauduc, Eldorado du Dimanche", à la façon de Marcel Carné dans son film "Nogent, Eldorado du dimanche" tourné en 1929...

sincères salutations Sylvie de la Dure

Quelques images de la manif du 18 décembre 2004

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