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La très discrète prise de pouvoir des grandes entreprises

Josph E.Stiglitz

mardi 19 mai 2015, par Forum Civique Européen

NEW YORK – Les USA et le reste du monde sont engagés dans un grand débat sur les nouveaux accords commerciaux, souvent appelés "accords de libre-échange". En fait il s’agit d’accords commerciaux façonnés pour répondre aux intérêts des grandes entreprises, essentiellement européennes et américaines. On les qualifie aujourd’hui de "partenariat", tel le Partenariat transpacifique (TPP). Mais ce n’est pas un partenariat entre égaux, car les USA en dictent les termes. Heureusement, leurs partenaires sont de plus en plus réticents à s’y engager.

Il est facile de comprendre pourquoi. Ces accords s’étendent bien au-delà du commerce, car régissant aussi les investissements et la propriété intellectuelle, ils imposent des changements fondamentaux au cadre juridique et réglementaire des pays signataires, sans intervention ou contrôle par des institutions démocratiques

Il y a eu très peu d’expropriations au cours des dernières décennies et les investisseurs peuvent se protéger en s’assurant auprès de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), une filiale de la Banque mondiale, ou en souscrivant une assurance proposée par les USA et d’autres États. Néanmoins les USA exigent que des dispositions concernant la protection des investisseurs figurent dans les accords de partenariat comme le TPP, alors que beaucoup de leurs "partenaires" bénéficient d’un systéme judiciaire qui protége le droit de propriété aussi efficacement que le leur. Ce sont les dispositions les plus inéquitables et les plus malhonnêtes de ces accords. Certes, les investisseurs doivent être protégés contre des États voyous susceptibles de s’emparer de leurs biens, mais ces dispositions ne traitent pas de cela.

Elles ont pour véritable objectif d’éviter qu’une réglementation sur la santé, l’environnement, la sécurité ou même la finance ne puisse nuire aux intérêts des entreprises. Elles les autorisent à poursuivre les États et à exiger d’être totalement indemnisées pour toute baisse de leurs bénéfices attendus liée à un changement de réglementation.

Ce n’est pas seulement une possibilité théorique.

Philip Morris poursuit l’Uruguay et l’Australie qui exigent la présence d’un avertissement relatif aux dangers du tabac sur les paquets de cigarettes. Ces deux pays vont sans doute plus loin que les USA en exigeant aussi la présence d’une image montrant les conséquences du tabagisme sur l’organisme. C’est une mesure efficace qui décourage de fumer. C’est pourquoi Philip Morris demande maintenant à être indemnisé en raison d’une diminution de ses bénéfices.

Dans l’avenir si l’on découvre d’autres produits nuisibles à la santé (pensons à l’amiante), ce ne sont pas les firmes productrices qui seront poursuivies, ce sont ces dernières qui poursuivront un État pour perte de bénéfices s’il les empêche de tuer davantage de gens. La même chose pourrait se produire si un Etat impose une réglementation plus stricte pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

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Traduit par Patrice Horowitz

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