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La municipalité de Neufchateau (Vosges) face à Véolia

Quand les Multinationales détricotent la démocratie

Danielle Mitterrand

samedi 2 février 2008, par Forum Civique Européen

Semences - condamnation de Kokopelli, eau - commune de Neufchâteau : une tendance lourde chez les juges au service de multinationales, ils défendent les intérêts de quelques fortunes contre le bien commun. L’eau et la reproduction gratuite de la vie, les semences.
Deux exemples : Neufchâteau dans les Vosges contre Veolia et Kokopelli contre la fédération des industriels de la semence (FNPSPF) et la société Baumaux.

"Quand les Multinationales détricotent la démocratie"

« La commune de Neufchâteau (Vosges) c’est-à-dire ses presque de 8000 habitants ont été condamnés par le Tribunal Administratif de Nancy
à verser près de 1,7 millions d’euros (soit plus de 217 euros par habitants y compris les enfants) à une filiale du groupe VEOLIA à cause de la résiliation par le maire du contrat de gestion de l’eau qui liait (et étranglait) la commune à ce géant de l’Eau pour cause d’irrégularités et pour manque absolu de transparence.
L’UFC Que choisir avait déjà souligné les surfacturations importantes du service de l’eau fournis dans de nombreuses villes par les géants privés de la distribution de l’eau comme Veolia et Suez.
Pour nous tous, cette condamnation est un avertissement : inconsidéré. Une entreprise privée qui n’est plus autorisée par des élus du peuple à faire des profits sur le dos des citoyens dans un service public vital, a le pouvoir de faire payer à ces mêmes citoyens des amendes colossales pour compenser le manque à gagner financier de ses actionnaires.
Pendant que nos politiciens nous amusent avec des idées vagues, des images de comédie et de boulevard ou nous effraient avec le chiffon rouge élimé du danger migratoire, des enjeux démocratiques fondamentaux sont gravement menacés en coulisse : Les conditions de notre survie, de notre dignité, de notre citoyenneté réelles sont en train d’échapper totalement à notre contrôle pour le plus grand profit d’une oligarchie que nous n’avons pas élue et sur laquelle nous n’avons AUCUN contrôle. C’est cela qui devrait être en couverture du Nouvel Observateur ou de l’Express et pas telle ou telle starlette d’un jour.
Ne nous laissons pas impressionner par des explications alambiquées et contradictoires, par des schémas économiques plus ou moins controuvées, des arguments statistiques ou financiers facilement maquillées.


Ce qui est en jeu est très simple : la domination d’intérêts financiers privés totalement incontrôlables sur tous les aspects de notre vie. L’eau que vous buvez, les transports publics que vous emprunterez pour aller vous promener ou travailler, le journal où vous croyiez lire des faits objectifs, la nourriture que vous croyiez saine et sans tromperie, et demain peut-être l’air que vous respirerez, seront entièrement aux mains de gens qui n’ont AUCUN compte à vous rendre. »

Danielle Mitterrand

Les verdicts sont tombés, l’Association Kokopelli est lourdement condamnée :

- 12.000 € pour le grainetier Baumaux

- 23.000 € pour l’état et la fédération des industriels de la semence (FNPSPF).

Il faut être réaliste : les semences que défend l’association Kokopelli, étant maintenues dans l’illégalité par une volonté politique, nous ne pouvions pas gagner ces procès.
Malgré les directives européennes, les avis de l’ONU, du Sénat, de scientifiques, d’agronomes affirmant l’urgence de sauvegarder la biodiversité végétale alimentaire, l’état français refuse de libérer l’accès aux semences anciennes pour tout un chacun.
C’est ce qui permet aujourd’hui aux magistrats d’infliger ces lourdes peines à l’association Kokopelli.
Dans le cas du procès de la SAS Baumaux pour concurrence déloyale, M. Baumaux verra donc son bénéfice de 800.000 € augmenté de 10.000 € et recevra 2.000 € pour ses frais.
L’état français recevra 17.500 € au motif que KOKOPELLI vend des semences illégales, 5.000 € seront consacrés aux frais et à l’information du bon peuple sur les pratiques dangereuses de l’association KOKOPELLI.

Les semences qui ont nourri nos grands-parents et qui servent à nous nourrir aujourd’hui par le jeu des croisements, sont donc devenues illégales et dangereuses.
Nous avons eu droit au grenelle de l’environnement : il faut sauver la biodiversité ! alors pourquoi condamner une association qui sauvegarde avec ses adhérents et ses sympathisants, plus de 2500 variétés en risque de disparition ? Pourquoi condamner ces semences dont la FAO reconnaît qu’elles sont une des solutions pour assurer la souveraineté alimentaire, face aux dérèglements climatiques et à l’augmentation de la population mondiale ? Pourquoi les mêmes variétés, selon qu’elles sont vendues par KOKOPELLI ou d’autres opérateurs entraînent condamnation ou mansuétude ? Pourquoi les grandes surfaces vendent des fruits et légumes issus des variétés interdites à KOKOPELLI, en toute impunité (en tout cas à notre connaissance).

Les condamnations infligées à KOKOPELLI ne sont donc pas à chercher dans la nature des semences que protège l’association, mais dans ses actions.
L’association propose aux jardiniers, aux paysans, d’être autonomes et responsables, face au vivant. Dans notre société du tout marchandise, c’est intolérable. Le plus grand grief (sous jacent) fait aux semences anciennes ou de pays, est d’être reproductibles et qui plus est adaptables à de très nombreuses conditions de cultures, sans le soutien de l’agro chimie. Voilà la faute deKOKOPELLI : conserver le levain des savoirs populaires, agronomiques et génétiques. A l’heure où l’on veut nous faire croire que le tout hybride, OGM, chimique, énergie fossile, sont les seules possibilités d’assurer notre alimentation, propager l’autonomie semencière par l’exemple est devenu répréhensible. Ce qu’il faut retenir de ces condamnations, c’est la volonté affichée d ‘éradiquer les alternatives techniques et semencières autonomes.
Depuis 15 ans, KOKOPELLI protège la diversité de nos jardins, de nos champs, de nos assiettes, tout en essayant de faire évoluer le cadre juridique vers une reconnaissance de la valeur agronomique et culturelle des variétés reproductibles : L’ETAT FRANÇAIS NOUS A FAIT ECHOUER.

Aujourd’hui, la disparition potentielle de KOKOPELLI ouvre un boulevard à l’uniformisation culturelle et productiviste agricole.

La disparition de la « vraie » biodiversité basée sur la variabilité génétique d’une multitude de variétés locales ne sera jamais, et de très loin, compensée par la multiplicité de quelques variétés clonées.
Il est intéressant de noter la similitude des actions et de la répression envers les faucheurs volontaires, les amis de l’ortie, les défenseurs de l’herboristerie et KOKOPELLI : chacun cherche à sa façon, à protéger et promouvoir la vie et la continuité des savoirs. Pour notre gouvernement, tout cela est devenu répréhensible ! Face à ses contradictions, entre ses déclarations enflammées du Grenelle de l’Environnement et les condamnations qu’il obtient contre les défenseurs de la biodiversité, gageons que l’état français mettra un point d’honneur à prendre en réelle considération le devenir des générations futures.

Kokopelli
Kokopelli est un personnage mythique souvent représenté comme un joueur de flûte bossu, issu des anciennes croyances amérindiennes du Sud-Ouest des États-Unis, il a plus de 3000 ans. Kokopelli était une image de la mythologie des Indiens Anasazi, symbole de fertilité, de joie, de fête, de longue vie.

L’association KOKOPELLI a toujours proposé la résistance fertile non violente et le dialogue,peut-être étions-nous trop en avance ? Mais maintenant, sauver la biodiversité est d’une extrême urgence. Si l’agriculture productiviste que protége le gouvernement se trompe, vous trompe, nous trompe, quelle stratégie de repli aurons-nous ? Si nos élus ont contribué à éradiquer notre patrimoine semencier alimentaire ?
La solution est dans votre camp, mesdames et messieurs nos gouvernants. Une fois, vous avez pu revendiquer « responsables, mais pas coupables ». Devant la faim du peuple, cet argument ne tient pas.
N’obscurcissez pas l’avenir, il l’est déjà suffisamment.
Mais peut-être faut-il lancer un appel : aux semences, citoyens !

Raoul Jacquin

P.-S.

Ce communiqué est consultable sur le site
Association Kokopelli

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