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Les gestes du corps et le corps des politiques

par Matthias Youchenko

vendredi 22 avril 2005, par ab (JournArles)

Il est des gestes tirés de la vie quotidienne qui nous touchent et nous parlent comme directement, sans que l’on sache pour autant ce qu’ils ont bien pu vouloir dire. Ces gestes, parfois imperceptibles, on se demande si on ne les a pas hallucinés. Nous passons dans la rue et nous voyons un homme ou une femme inconnus avoir un de ces gestes infiniment émouvants, qui n’appartient cependant qu’à il ou elle, et cela suffit à déclencher chez nous une sorte de rêverie poétique...

Nous touchons alors peut-être quelque chose de la beauté du geste, celle-là même que nous pourrions retrouver à l’œuvre dans la danse contemporaine si nous n’étions obsédés par la recherche d’un message que nous confondons souvent avec l’imminence d’un sens. L’expérience d’une telle beauté, qui est celle propre au geste et à son langage (si particulier puisqu’il nous parle sans rien vouloir nous dire) pourrait nous aider à approcher la danse sans poser les questions pourtant si souvent adressées aux chorégraphes ou aux danseurs à savoir Qu’est-ce que cela veut dire ? Quel message avez-vous voulu faire passer ?

Et il est d’autres gestes, apparemment plus clairs, qui semblent cependant nous insulter tant ils paraissent vouloir dire quelque chose mais comme à notre place, sans nous laisser l’occasion de les interpréter. Insultes faites à notre intelligence et à notre sensibilité en même temps. Ces gestes ce sont ceux des communicants. Que l’on songe un instant à la gymnastique gestuelle à laquelle se livrent les professionnels de la communication (on pense à Raffarin dont c’est le premier métier, mais aussi à Sarkosy que l’on voit partout). Dans les petites mains jointes et agitées du premier ministre, comme sur le visage plein d’une commisération paternaliste du président de l’UMP, on ne voit plus le visage et les gestes, on voit les ficelles tirer les ficelles. Le désir de faire passer un message est tel que leurs gestes ne font plus que surligner jusqu’à l’absurde le pouvoir du discours du pouvoir.

Autant les premiers gestes nous parlent sans vouloir rien nous dire, autant les seconds ne nous disent rien à force de nous vouloir forcer la parole. La danse peut être ici une forme de résistance du langage résistant au pouvoir du langage.

Matthias Youchenko

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