La situation de l’affichage publicitaire est un véritable scandale dans notre pays. Rien ne semble pouvoir enrayer le gigantisme qui est maintenant de rigueur. Nous assistons, impuissants, à l’accaparement de l’espace public au profit de quelques uns. Avec la multiplication aberrante des panneaux 4x3, la saturation visuelle dans les transports en commun et l’arrivée des bâches de plusieurs centaines de mètres carrés sur les façades d’immeuble, notre regard est en permanence parasité par la réclame commerciale.
Actuellement, ce constat est très majoritairement partagé et va bien au delà des associations de protection du paysage ou de lutte contre le système publicitaire. Jacques Chirac déclarait ainsi en avril 2002 : “La pollution visuelle due à ces publicités intempestives à l’entrée des villes est une vraie préoccupation en matière de protection du paysage” [1]. Plus récemment, un sondage réalisé en septembre 2004 par Ipsos pour l’agence de publicité Australie [Le Monde, 18 novembre 2004] révèle que 73% des sondés considèrent que la publicité est envahissante et 78% expriment le sentiment qu’il y en a trop. L’affichage extérieur est particulièrement visé.
Est-il nécessaire de signaler que nous payons tous la publicité ? Telle une taxe masquée, elle est incluse dans le prix de tous les produits que nous achetons. Le budget annuel des dépenses en communication s’élève en France à environ 32 milliards d’euros [2] (équivalent au budget de la Défense Nationale).
Outre la pollution visuelle, faut-il rappeler le caractère particulièrement antidémocratique du système publicitaire ? Il favorise les annonceurs puissants et dénature complètement l’information commerciale. Le financement massif de la presse par la publicité ne risque-t-il pas d’interdire à celle-là toute critique envers les principaux annonceurs et de conduire parfois les journalistes à l’autocensure ? A l’heure où les enjeux environnementaux sont au cœur du débat politique, ce système incite à la surconsommation et au gaspillage. Enfin il véhicule des messages stéréotypés encourageant les comportements irresponsables et individualistes, avilissants pour la femme et réduisant l’existence à la consommation.
L’affichage publicitaire représente en France 12,5% des dépenses publicitaires, mettant donc notre pays au premier rang mondial pour ce média [3](4% aux USA, 3.4% en Allemagne). Qu’est-ce qui permet d’expliquer cette situation singulière ? Cet affichage est régi par une loi de 1979, co-rédigée à l’époque par les publicitaires. Elle a depuis été intégrée au code de l’environnement. Déjà particulièrement laxiste, cette loi est régulièrement amendée pour offrir de nouvelles dérogations aux afficheurs. Ainsi, comme suite à la dernière loi de finance, on devrait bientôt voir fleurir les affiches publicitaires sur les monuments historiques [4]. Malgré cela, les afficheurs trouvent encore le moyen de bafouer allègrement cette réglementation, et ce en toute impunité. Ainsi environ un tiers des dispositifs sont illégaux [5].
Pour ce premier barbouillage à Nîmes, le samedi 24 février 2007, le rendez-vous était donné à 14h devant le Centre Pablo Neruda.
La douzaine de sympathisants, dont certains ont fait le trajet depuis les Cévennes pour venir soutenir le Collectif, se regroupe à l’angle de la rue du Mail et de la rue Ernest Renan, autour du panneau choisi pour le barbouillage : un 4 mètres par 3 de l’afficheur délinquant De Cecco, placé en toute illégalité au ras du sol. Le barbouilleur n’aura pas besoin d’escabeau !
Les journalistes sont de la partie : La Marseillaise, Le Midi Libre, France Bleu Gard Lozère et France 3 Languedoc-Roussillon ont répondu à notre appel. Après quelques interviews, la présentation du Collectif et le rappel des consignes de non-violence, l’action proprement dite commence.
Le barbouilleur inscrit d’un aérosol affirmé « Trop de pub ! » en lettres rouges et jaunes tout en répondant avec flegme aux questions des journalistes, tandis que retentit la désormais célèbre chanson du Barbouilleur des Lilas. Une affiche « 50 cm x 70 cm » au format idoine est également apposée sur le panneau, rappelant ainsi la principale revendication du Collectif.
Parmi les personnes présentes, Henri Arnal, coordinateur du collectif nîmois des usagers de la voie publique, s’insurge contre les sucettes, obstacles urbains qui font des trottoirs un véritable parcours du combattant pour ceux qui choisissent de se déplacer en ville autrement qu’en carcasse de ferraille.
Voyant que les forces de l’ordre n’interviennent pas, les déboulonneurs remercient chaleureusement les sympathisants pour leur soutien et insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un barbouillage ponctuel : tel la goutte d’eau qui creuse lentement mais sûrement la pierre, le Collectif trouve sa force dans la constance de son action. Il est donné rendez-vous le 9 mars à Alès, pour le procès des deux barbouilleurs d’Anduze.
Envoyez-nous vos photos des affichages intempestifs qui défigurent la ville d’Arles... qui sait, un collectif pourrait alors voir le jour.