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Les révoltes de la faim dans les pays du Sud :

L’aboutissement logique de choix économiques et politiques désastreux

Communiqué commun Attac – Confédération Paysanne

samedi 19 avril 2008, par Forum Civique Européen

Les mécanismes mis en place par les gérants de la financiarisation de la planète sont responsables pour les famines qui sévissent ces jours, ces semaines, ces mois et ces années à venir (NdlR)

Les révoltes dans divers pays révèlent une crise alimentaire mondiale qui s’installe sans doute pour une longue période, à défaut de changement radical d’orientation.

Nous ne sommes pas dans une situation de pénurie mondiale. Quoique extrêmement faibles, les stocks sont encore suffisants pour faire la jonction entre deux récoltes. Mais l’accès à l’alimentation des populations s’est dégradé brutalement face à une augmentation considérable des prix. Elle aggrave encore la situation actuelle (20 000 morts par jour, près de 900 millions de personnes souffrant de malnutrition dont 80% de paysans).

La faiblesse des stocks est en cause.

(Note de la rédaction de Journarles : la raison principale est la ruée des traders à la recherche de placements spéculatifs après le crash des subprimes, la chute inexorable du dollar, renforcée par la méfiance créée
suite aux faillites des fonds de placements (Hedgefunds, exemple Carlyle Capital Corporation)

Elle provient en partie de phénomènes nouveaux : une demande forte en céréales et oléagineux pour l’alimentation, une demande en hausse pour la production d’agrocarburants industriels (éthanol et diester) et des accidents climatiques qui ont diminué les récoltes sur certains territoires de la planète.

Mais cette nouvelle tension sur les marchés révèle surtout des problèmes structurels, issus de choix économiques désastreux, basés sur la croyance des bienfaits pour l’humanité de la libéralisation des marchés agricoles et de la marchandisation tous azimuts :

− avançant la nécessité du remboursement de la dette, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale contraignent depuis des dizaines d’années les pays pauvres à réorienter leurs productions agricoles vers l’exportation. Ces pays ont ainsi dû délaisser leurs cultures vivrières, augmentant leur dépendance aux marchés extérieurs ;

− sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce et sous la pression des accords bilatéraux, les politiques agricoles de tous les pays et leurs tarifs douaniers ont été progressivement démantelés : l’agriculture paysanne des pays du Sud se retrouve sans protection, en compétition directe avec l’agriculture subventionnée et industrielle des pays du Nord ;

− la spéculation sur les marchés de matières premières accentue l’instabilité, à la baisse ou à la hausse, de leurs prix. Elle s’inscrit dans le cadre d’un capitalisme financier exacerbé, qui détériore l’ensemble des conditions de vie, y compris dans ce qu’elles ont de plus élémentaire ;

− de nombreux pays, en soutenant le développement des agrocarburants, répondent aux intérêts des multinationales mais mettent un peu plus en danger la sécurité alimentaire mondiale. Tandis que leur bilan carbone est contesté dans la plupart des cas, les cultures intensives d’agrocarburants concurrencent directement les productions alimentaires et favorisent la hausse des prix et la spéculation.

Pour toutes ces raisons qui n’ont rien de conjoncturel, il est à craindre que l’extrême pauvreté et les conflits régionaux ne fassent que s’aggraver. Seules des mesures cohérentes, en rupture avec les politiques libérales actuelles, peuvent permettre d’endiguer la catastrophe qui s’annonce :

une régulation mondiale des marchés agricoles avec le recours aux stocks publics dans le cadre d’une instance internationale sous l’autorité des Nations unies : elle doit permettre une régulation des prix mondiaux compatible avec l’intérêt général et l’instauration d’une fiscalité procurant les ressources publiques pour satisfaire les besoins en développement des pays du Sud ;

la reconnaissance du droit à la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des populations, de leurs États ou Unions à définir leur propre politique agricole et alimentaire sans dumping vis-à-vis des pays tiers ;

l’annulation de la dette des pays pauvres et l’augmentation substantielle de l’aide publique, à commencer par celle de l’Union européenne et de ses États membres, qui est aujourd’hui en diminution ;

un moratoire pour suspendre la production d’agrocarburants et expérimenter des solutions alternatives, comme le propose Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation.

Enfin, la crise alimentaire ne peut être résolue au détriment des impératifs écologiques, notamment par la déforestation et le développement des OGM. La crise climatique et l’épuisement des sols sont autant de facteurs qui, au contraire, accentuent la crise alimentaire. Les solutions résident dans des pratiques agricoles écologiques et sociales. Elles nécessitent en particulier une réorientation de la recherche publique agronomique et des politiques agricoles et alimentaires dans leur ensemble.

Contacts :
Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac, 06 17 17 50 87
Régis Hochart,
porte-parole de la Confédération Paysanne, 06 08 75 00 73

Montreuil , le 18 avril 2008

Documentation :

Sommaire :

  1. Emeutes de la Faim/ Sécurité alimentaire p1
  2. La Banque mondiale et le FMI tentent de mobiliser face à l’envolée des prix alimentaires p1
  3. Emeutes de la faim : un défi inédit pour l’ONU p3
  1. La production agricole augmente, mais moins vite que la demande p5
  2. Le retour des ventres creux p6
  3. La crise alimentaire reconnue comme une priorité mondiale p8
  4. « Une hécatombe annoncée » p10
  5. Le fossé p11
  6. Émeutes de la faim : les raisons de la colère p11
  7. Egypte « Sans les subventions, la situation aurait déjà explosé » 13
  8. Bangkok peine à répondre à la demande mondiale 14
  9. Haïti La rue fait chuter le Premier ministre 15
  10. Le cri d’alarme de la FAO 15
  11. Emeutes de la faim - La France pousse l’Union Européenne à soutenir l’agriculture 16
  12. Agriculture - Agir sur les prix des céréales 17
  13. La crise alimentaire bouleverse la planète 17
  14. Jacques Diouf : "De nouvelles émeutes de la faim" 19
  15. Le monde a faim 20
  16. "La colère pourrait s’étendre aux campagnes" 21
  17. Emeutes de la faim : le cri d’alarme de Strauss-Kahn 22


Vouspouvez consulter les articles mentionnés dans ce sommaire dans le document joint.

Revue de presse Confédération Paysanne 14 avril 2008

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