Suite aux dernières déclarations de la ministre de l’Agriculture, le Grenelle de l’Environnement nous apparaît de plus en plus comme une gigantesque mascarade (qui porte les masques ?) ou un pathétique théâtre de marionnettes (qui tire les ficelles ?) qui n’est pas sans nous rappeler un somnifère télévisé qui fut lancé quelques années avant mai 68 (et les accords de Grenelle) et qui faisait la joie des petits et grands enfants : Nicolas, Pimprenelle et Gros Nounours.
Gros Nounours descend raconter de belles histoires aux enfants et remonte ensuite sur son nuage conduit par le marchand de sable qui lance une poignée de sable doré dans les yeux des enfants pour les endormir et s’éloigne en jouant au pipeau la musique de "Que ne suis-je la fougère" : "Que ne puis-je par un songe, Tenir son coeur enchanté ! Que ne puis-je du mensonge, Passer à la vérité !" Qui sont le gros Nounours et le marchand de sable au pipeau ? Dormez, dormez, la petite France d’en-bas. Un peu de grenelle au sable doré et vous serez bientôt narcosé et dupé.
Si l’on en croit le dernier communiqué de Mme Lagarde, ministre de l’Agriculture, nous sommes loin de passer du mensonge à la vérité ! Alors que l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) vient de déclarer, en début mai 2007, que l’Agriculture Biologique peut nourrir toute la planète sans impact négatif sur l’environnement, madame la Ministre nous ressert la grande farce de l’agriculture raisonnée comme étant l’agriculture écologique du futur.
Non, Madame Lagarde, l’agriculture raisonnée n’est pas une agriculture durable respectueuse de l’environnement. L’agriculture raisonnée n’est qu’une des variantes de l’agriculture "irraisonnée" et toxique qui sévit depuis 60 années, qui a été mise en place et soutenue par tous les gouvernements (quelle que soit leur coloration politique) et qui a fait de la France une poubelle agricole génératrice de cancers. La seule agriculture durable est une agriculture sans pesticides, sans intrants de synthèse et sans chimères génétiques et qui met en oeuvre des pratiques culturales issues tout autant des traditions paysannes que des recherches de l’agro-écologie.
Non, Madame Lagarde, la croissance agricole et la durabilité ne sont pas conciliables. Les nappes phréatiques sont vides, les sols sont morts, les cours d’eau sont pollués, les pollinisateurs ont été éradiqués, l’atmosphère de la capitale est viciée par les pesticides et l’agriculture toxique est en partie responsable du réchauffement climatique puisqu’elle libère du CO2.
Nous comprenons fort bien votre souhait "de restaurer le prestige des agriculteurs" car il a, en effet, beaucoup souffert de par les terribles dégâts provoqués par l’agriculture toxique depuis un demi-siècle. Nous comprenons beaucoup moins votre souhait pour l’agriculture "d’achever de se réconcilier avec la société". Pensez-vous sincèrement qu’elle ait déjà commencé à se réconcilier ? Et qu’a-t-elle donc, d’ailleurs, à se faire pardonner ?
L’Agriculture Biologique ne représente qu’à peine 2 % de la surface agricole tandis que l’agriculture toxique continue d’imposer ses chimères génétiques (refusées par le peuple Français) dont un maïs de Monsanto strictement interdit par les experts de sept pays Européens en raison du danger qu’il représente pour la santé humaine.
Non, Madame Lagarde, vous ne pouvez pas parler de sécurité alimentaire alors que le scandale des pesticides est en train d’éclater au grand jour. L’agriculture toxique produit des aliments-poisons générateurs d’allergies, de cancers et autres maladies de dégénérescence.
Nous dénonçons, tout d’abord, le scandale des nécro-carburants qui vont générer une insécurité alimentaire sur toute la planète tout en intensifiant les pollutions environnementales dues à l’agriculture productiviste.
Nous dénonçons la campagne d’intoxication de l’association Farre qui, en partenariat avec le GNIS, et autres entreprises du secteur, vient d’adopter le slogan mensonger "Avec l’agriculture raisonnée, semons la biodiversité". L’association Farre, avec moins de mille adhérents dont une partie seulement sont des agriculteurs, doit représenter à peine 0,1% des agriculteurs Français ! Elle a été créée en 1993 par l’UIPP, l’Union des Industriels de la Protection des Plantes (en fait, les Promoteurs de Pesticides). L’agriculture raisonnée dissémine des pesticides et non de la biodiversité.
Soit dit en passant, c’est Kokopelli qui sème de la biodiversité en France et c’est pour cela que nous sommes conviés devant les tribunaux de la République !
L’association Farre n’est qu’une farce et façade de l’UIPP dont le directeur, Jean-Charles Bocquet, vient de déclarer dans un éditorial récent qu’il ne pouvait pas imaginer un monde sans pesticides. On se l’imagine bien puisque l’UIPP regroupe tous les grands noms de l’agro-chimie : Monsanto, Syngenta, Bayer, BASF, Du Pont de Nemours, Dow Agrosciences, Cheminova, etc. Selon Mr. Bocquet, grâce aux pesticides, le 20 ème siècle a été un siècle sans famines. Vraiment ? 36 000 personnes qui meurent de faim tous les jours, cela finit par faire des centaines de millions de citoyens planétaires qui trépassent avant l’âge. Mr. Bocquet faisait-il sans doute référence à des famines "occidentales".
Si nous faisons le bilan de l’agriculture Française, nous avons 1,5 % d’agriculture biologique, 0,1% d’agriculture "raisonnée" et 98% d’agriculture "irraisonnée". Et l’agriculture irraisonnée semble bien stable, quant à ses pratiques, puisque les derniers chiffres de ventes de pesticides dont nous disposons (pour l’année 2005) témoignent d’une augmentation d’environ 5%.
Nous avons donc d’une part l’UIPP qui ne peut pas imaginer un monde sans pesticides et d’autre part la FAO qui affirme que l’agriculture biologique peut nourrir toute la planète sans détruire l’intégrité des écosystèmes. Qui croire ? Les vendeurs de poisons ou les experts agricoles des Nations Unies ?
Il n’y a qu’une "rupture" écologique possible, c’est la promotion de l’Agriculture Biologique. Mais la vraie, pas celle que la Commission Européenne est en train de nous proposer sous la pression des lobbies avec des cahiers de charge qui seraient plutôt des cahiers de "décharge" : une pincée de pesticides par-ci, un peu de contamination génétique par-là, et une poignée d’intrants issus de cultures transgéniques...
Quant au Grenelle de l’Environnement, s’il est à la hauteur des ambitions actuelles du ministère de l’Agriculture, en matière de protection de l’environnement et des citoyens, mieux vaut sans doute rester chez soi et cultiver son jardin. Il ne serait, d’ailleurs, pas étonnant de voir les multinationales de l’agro-chimie s’inviter à la table. Ne prétendent-elles pas travailler avec "les sciences de la vie" ? On peut déjà s’imaginer de beaux slogans durables "Pour lutter contre le réchauffement climatique, semez des chimères génétiques".
Et si nous proposions un contre-forum ? Nous pourrions l’appeler "Négrelle de l’Environnement" et nous pourrions y inviter tous les opprimés de la mondialisation : les esclaves des plantations de canne à sucre au Brésil qui font de l’éthanol pour les automobiles de France, les esclaves immigrés dans les serres de légumes du sud de l’Espagne, les paysans Colombiens pourchassés par les milices qui implantent des palmiers à huile pour le diesel végétal des voitures des nantis, les paysans Mexicains pour lesquels le prix de la tortilla a augmenté de 160 % suite au boom de l’éthanol aux USA, les paysans Indonésiens torturés auxquels on vole les terres et les forêts pour implanter des monocultures, les paysans Argentins chassés de leurs terres par la folie du soja pour engraisser les vaches des occidentaux, les paysans Africains ruinés par le dumping des cultures subventionnées par l’Europe, les paysans Paraguayens brûlés par le paraquat de Syngenta épandu par avion avant le semis direct de soja transgénique, les paysans Français atteints de la maladie de Parkinson suite à l’exposition aux pesticides, les paysans Indiens qui se suicident par dizaines de milliers ruinés par le coton transgénique de Monsanto, les paysans d’Amérique centrale qui meurent, dans les bananeraies, du Nemagon de Dow Agrosciences et les petits garçons Argentins de 10 ans qui courent avec des drapeaux rouges sous les avions qui épandent le RoundUp de Monsanto sur les champs de soja transgénique pour que le précieux glyphosate ne manque pas sa cible ....
Tout cela, non pas pour se complaire dans la douleur. Mais pour répéter et prouver que l’agriculture moderne occidentale tue et pour affirmer que demain, tout est possible.
Même un monde sans pesticides.
Dominique Guillet, Kokopelli, Le 7 juin 2007.