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FOS - POLLUTION : une bataille exemplaire (suite)

L’urgence d’une mobilisation pour diffuser l’information

mercredi 18 octobre 2006, par Forum Civique Européen

A Fos, comme sur tout le périmètre du complexe Etang de Berre – Marseille, il y a des décennies que l’on survit aux agressions permanentes de l’environnement industriel. Sacrifiée aux impératifs du boom économique des années 60, la petite ville du littoral méditerranéen aurait donc aujourd’hui le triste privilège d’ajouter les effluves d’un incinérateur à son lot de pollution ambiante. Le mois dernier, la Cour d’Appel d’Aix en Provence a infirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance qui suspendait le projet de la Communauté Urbaine de Marseille. Mais elle n’a pas mis un terme au refus massif d’une population indignée par l’arrogance des partisans de « la raison industrielle » et surtout par leurs dénégations mensongères.

Mensonges

des experts sur l’importance de la flore et de la faune menacées de destruction (comptage arbitraire, à la baisse) ; mensonges des élus du CUM (maire de Marseille, préfet, adjoints, édiles des communes périphériques), tous à l’unisson avec Gaudin qui déclare, la main sur le cœur : « Si j’avais le moindre doute sur les dangers prétendus d’un incinérateur croyez-vous que je le ferai construire » ?... mensonges sur commande des scientifiques beni oui oui qui cautionnent l’incurie des politiques dans la tournée qu’ils effectuent en ce moment de commune en commune pour minimiser la dangerosité de l’usine d’Evere SAS. Incinérateur, OGM, Amiante, etc…même combat, même conjuration des faux témoins à la botte des entreprises. Et le cynisme ne date pas d’aujourd’hui…

Dans les années 80-90, la Région avait fait éditer une brochure de luxe pour désamorcer l’inquiétude de la population après des décennies de pollutions cumulées dans le périmètre du complexe industriel de l’étang de Berre. On y vantait les procédures préventives (Directive Seveso,), les milliards investis en technologies (filtres électromagnétiques, bassins de décantation, fours au plasma etc…) et les pourcentages spectaculaires de diminution des effluents industriels. En réalité, cette opération publicitaire visait à couper court à l’éventualité d’une enquête épidémiologique. L’éloge sur papier glacé de ces amendements s’est bien gardé de préciser sur quels volumes de rejets toxiques initiaux étaient réalisées leurs « généreuses » ristournes. Aujourd’hui, la vérité des chiffres commence à émerger des fumigènes de la désinformation.

Une étude récente

commanditée par Le collectif anti-incinération de Port Saint Louis du Rhône à une équipe d’ingénieurs et d’universitaires (Experpol) contredit rigoureusement l’optimisme officiel. L’impact des effluents (CO2, SO2, benzodioxines, benzofuranes, benzopyrènes, métaux lourds, organométalliques etc. …) dépassera largement le périmètre de la ZIP de Fos. Leur diffusion dans l’atmosphère pourrait s’élever jusqu’à 2000 mètres d’altitude et sur un rayon de plus de 200 kms. Experpol a même réalisé une cartographie des dispersions gazeuses selon les conditions d’exploitation de l’usine (rythmes de production, incidents), la température ambiante et la direction des vents. Les fumées de la combustion n’épargneraient ni la vallée du Rhône, ni les départements du Gard et du Var. Et bien entendu, le gros de la pollution affecterait toutes les communes environnantes des Bouches du Rhône, y compris celles de la CUM : Port de Bouc, Port Saint Louis, Istres, Saint Martin de Crau, Fontvieille, Maussane, Mouries, Aureille, Arles…En clair, il est maintenant établi que le site polluerait dix fois plus que les valeurs prévues officiellement.
Grosso modo, l’implantation de l’UIOM accroîtrait de 2% l’incroyable bilan environnemental de cette ville sacrifiée sur l’autel de la croissance industrielle. La contre-expertise des associations a permis d’évaluer l’impact des 9 principales industries de la zone (Lyondelle, Atofina, Ascométal, GDF, Bayer, Lafarge Cimenterie, ESSO raffinerie, Sollac, Solamat Merex) : elles génèrent près de 11 millions de tonnes de CO2 par an. A elle seule la Sollac en produit 9.131.793 tonnes et les prévisions pour l’incinérateur seraient de l’ordre de 100.000 tonnes annuelles. Une autre étude sur les émissions de la sidérurgie dans l’air et dans l’eau (avec d’imprévisibles effets sur l’écosystème et la chaîne alimentaire) donne la mesure de l’état catastrophique des lieux. La variété des polluants répertorié est tout simplement hallucinante ; près d’une centaine d’agents toxiques contaminent en permanence le milieu de vie : résidus métalliques (cuivre, zinc, plomb, fer, nickel, mercure, arsenic et composés…), méthane, organochlorés, oxydes d’azote, de soufre, hydroflurocarbures et, parmi les Polluants Organiques Persistants, plusieurs dioxines dont la Convention de Stockholm a interdit la production en raison de leurs effets cancérogènes avérés. Il va sans dire que les déchets industriels destinés à la filière incinération (boues, huiles, graisses, emballages plastiques, piles, PCB, transformateurs pyralène, etc…) augmenteraient massivement le volume de POPs en dépassements fréquents sur le site.
Pourquoi ce laxisme en matière de pollution dans une région en déséquilibre écologique flagrant ? Tout simplement parce qu’en l’absence d’enquête épidémiologique officielle le seul critère en vigueur est celui de la productivité.
Dans la zone où l’on voudrait implanter l’UIOM, les seules données sanitaires dont le pouvoir politique est judiciaire devraient tenir compte relèvent de l’observation empirique des médecins locaux. Par exemple, les centres spécialisés dans le traitement du cancer y ont constaté un taux de pathologies supérieur (+ 40 %) à la moyenne nationale. Quant aux généralistes, ils se trouvent en présence d’une augmentation alarmante d’affections pulmonaires et cardiovasculaires (+60 %), ou de conjonctivites et d’asthmes qui ont triplé depuis l’industrialisation du secteur.
A vrai dire, les militants associatifs ne sont pas totalement démunis face aux instances (Commission européenne, Cour Européenne de Justice) où ils ont déposé une plainte contre l’Etat français « pour violation du droit communautaire ». Il existe des précédents qui peuvent faire jurisprudence. Un peu partout dans le monde des études épidémiologiques ont été menées sur la santé des populations riveraines d’incinérateurs.
Au Japon, au Royaume- Uni, en Espagne, des comptages statistiques, évaluant les corrélations dioxines/cancers, dénoncent l’impact indiscutable des rejets de la combustion sur la santé des populations avoisinantes. En Grande Bretagne, une vaste expertise réalisée sur 14 millions d’habitants vivant autour de 72 incinérateurs a mis en évidence le doublement, voire le triplement de tous les types de tumeurs malignes, notamment de celles des voies respiratoires (larynx, poumons) et du système digestif (estomac, fois, intestins). En France, selon une étude de l’Observatoire Régional de la Santé d’Ile de France (mars 2006) l’incinération des ordures ménagères produit 25% des émissions totales de dioxines et provoque deux fois plus de cancers de proximité qu’ailleurs. Dans la région Rhône-Alpes, une étude de l’INSERM a relevé un nombre anormalement élevé (220 enfants) de malformations de naissance et de lymphomes chez les adultes en dix ans d’incinération. A Besançon, dans les parages d’un incinérateur émettant 16,3 ngI-TEQ/m3, le professeur JF Viel a établi que les riverains contractaient deux fois plus de cancers (sarcomes, lymphomes, cancers du poumon) que dans des régions plus éloignées. A l’instar des recherches effectuées aux USA, à Taïwan ou en Australie, entre autres pays fortement dotés en UIOM, il serait aujourd’hui question d’analyser en France la nocivité des effluents de l’incinération sur les populations enfantines particulièrement vulnérables à certaines pollutions. Et même, à la demande de certains cancérologues, de procéder à une étude des concentrations de dioxines en phase intra-utérine.

En définitive, cette bataille de Fos qui semble à première vue une simple épisode de rébellion locale s’avère emblématique d’une remise en question globale de toute une dérive de civilisation.

Elle s’inscrit dans l’urgence d’inventer et de mettre en place d’autres solutions qui permettraient d’enrayer le saccage systématique de notre environnement vital .

Jean Duflot (ire des chenaies - www.Radio Zinzine.org)

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