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Grippe aviaire

C’est les oiseaux, jamais les balles, qu’on arrête en plein vol...

Peurs et profits - par Paul Polis, docteur vétérinaire (www.giezoneverte.com)

mercredi 1er mars 2006, par Forum Civique Européen

Des oiseaux migrateurs devenus boucs émissaires, un public affolé, des ventes de viande de volailles qui s’effondrent : la peur de la peste aviaire a aussi ses bons côtés, pour les laboratoires pharmaceutiques et leurs profits.

Sous prétexte de produire plus et plus vite, les volailles domestiques ont subi une importante érosion génétique, dite « sélection génétique », qui a engendré des variétés très « productives » aux dépends des capacités d’adaptation et de la résistance aux maladies naturelles (1). Ces « clones » de volailles industrielles sont répandus partout : les deux principales races de poulet de chair, issues de la « technicité » occidentale, sont massivement introduites dans tous les pays au détriment des races locales, adaptées au climat et aux conditions de vie du lieu.

Les épizooties de peste aviaire ne sont pas rares (2) : leur
nombre augmente depuis 1999 (H5N2 en Italie en 1997, H7N7 en Hollande en 2003, H7N3 au Canada et H5N2 au Texas en 2004, H7N3 au Pakistan trois fois entre 1995 et 2003). L’actuelle épizootie, liée à la souche H5N1, a débuté en 1996 en Chine sur des oies.
Or, tout à coup, les autorités françaises et européennes crient « sus aux migrateurs », « ces pelés, ces galeux, dont nous vient tout le mal » (Lafontaine), ces émigrants pas tout
a fait clandestins mais sans papiers, assurément ! Leur rôle est parfaitement inconnu : la persistance de la maladie depuis des années en Asie et la constance du phénomène de migrations des oiseaux n’a entraîné aucune dispersion significative.

Par contre, la maladie a suivi le Transsibérien et les voies commerciales dans sa progression géographique ; mais, même si le contrôle de ces voies et des importations est le meilleur système de protection, ne touchons pas à la liberté du commerce, l’OMC veille !

De toute évidence, les oiseaux migrateurs jouent davantage le rôle de boucs émissaires que d’émissaires véritables. Contre l’avis des experts, AFSSA compris, l’héroïque
gouvernement de notre république, témoignant de son incapacité à comprendre la dynamique des épidémies et le rôle prépondérant que jouent les conditions de vie de ceux
qui les affrontent, ordonne le confinement des volailles.
Pour ça, on trouve des sous : trois millions d’euros pour diffuser, entre autres, la « justification des moyens de police sanitaire mis en oeuvre »... Nous sommes prêts, depuis l’empoisonnement jusqu’aux unités mobiles de gazage :
pas touche aux intérêts économiques exportateurs de la France, évalués à 430 milliards d’euros...

Ces mesures de gribouilles éradicationnistes d’efficacité douteuse ont un résultat certain ; affoler le public. Elles sont associées médiatiquement au risque de pandémie humaine
avec pour conséquence l’effondrement de la consommation de volailles. L’arme sanitaire dévoyée devient ainsi un moyen extrêmement efficace de restructurer les filières.

Or le « risque de pandémie » repose sur un terrible raccourci et une succession d’étapes hypothétiques : depuis les rares cas avérés de zoonose, jusqu’à la mutation d’un
virus qui deviendrait infectant pour l’homme - comme l’illustre la déclaration de Bernard VALLAT, vétérinaire directeur général de l’OIE : « la souche du virus H5N1 est très peu efficace pour infecter l’homme sinon on aurait beaucoup plus de morts en Asie... », et sa diffusion à l’échelle continentale, on en est loin ! L’émergence d’une hypothétique pandémie sera-t-elle même liée au virus des volailles ?

Car ce ne sont pas les virus qui sont épidémiques mais les conditions qui créent un terrain favorable à l’expression du pouvoir pathogène de certains virus.


« Pandémie de grippe aviaire » : voilà un cas avéré de dérive sémantique assorti d’escroquerie intellectuelle et de manipulation médiatique.

Les Cassandre intéressées hurlent déjà au danger ! Car l’affaire s’avère très juteuse, un vrai pactole pour les laboratoires qui vendent aux états, à prix d’or et par millions de doses, un vieil antiviral, le Tamiflu dont nul ne connaît l’efficacité et qui est d’ores et déjà inopérant contre la souche H5N1 du Vietnam !

Pour la transnationale Roche, le « tamiflouze » figurera-t-il au panthéon des médicaments à plus de 800 millions d’euros de chiffre d’affaires ?

En voilà du marketing et du bon ! Admirons au passage la collusion effi-
cace argument scientifique dévoyé - argent public - profits privés.
En attendant l’éventuelle fabrication d’un hypothétique vaccin contre une hypothétique pandémie, les autres laboratoires se consolent en vidant à bon prix leur stock de vaccins pour la grippe humaine que les crédules s’arrachent.


Paul Polis, docteur vétérinaire (3)

1) Pour mémoire, 13 000 ans d’agriculture ont créé environ
4 000 races domestiques. Aujourd’hui il en disparaît 2 cha-
que jour et 30% d’entre elles sont en voie de disparition à
court terme.

2) Les virus mfluenza A constituent une vaste famille et se
rencontrent fréquemment dans presque touteales espèces
animales. Ils sont là en permanence et depuis toujours. De
manière générale, ils s’avèrent plus pathogènes pour les
espèces domestiques que sauvages. En majorité faible-
ment pathogènes, certains sont cependant très contagieux
pour les oiseaux et fréquemment mortels ; on parle alors de
peste aviaire.

3) GIE Zone verte : www.giezoneverte.com

P.-S.

Titre : chanson de Vladimir Vissotsky,

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