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FOS - raison (industrielle) d’Etat

par Jean Duflot - Radio Zinzine

mercredi 8 novembre 2006, par Forum Civique Européen

Avec 130 unités la France possède le plus grand parc d’incinérateurs d’Europe. Et ce triste record risque encore de s’aggraver de 16 nouvelles centrales : l’incinérateur de Fos inaugurerait une nouvelle génération d’UIOM hautement performantes. Pourquoi cette obstination française à construire des usines dont les nuisances s’avèrent désastreuses pour l’environnement et la santé des populations ? Dans la plupart des sociétés industrielles la tendance commence à s’inverser. Aux USA, 300 projets d’incinérateurs ont été bloqués par la pression publique ; au Japon, le pays le plus équipé de la planète, la résistance populaire a provoqué la fermeture de 500 unités, soit le tiers de l’effectif. Désormais les juridictions de 15 pays procèdent à des réductions progressives de leurs parcs d’incinérateurs.

La raison ( industrielle) d’Etat.

Aux Philippines, dès 1999, le gouvernement a fait voter une loi, le « Philippine Clean Air Act », interdisant totalement l’incinération des ordures ménagères, des déchets médicaux et industriels.

Dans les pays scandinaves, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, au Canada, les associations imposent de plus en plus des technologies douces de substitution. En Finlande où la combustion des ordures a diminué de 50%, on entrevoit la possibilité à terme de sa cessation définitive. En Nouvelle Zélande elle est programmée dans la décennie à venir. Existerait-il en France un lobby industriel assez puissant pour infléchir les politiques gouvernementales en sa faveur ? La raison économique et la raison d’Etat y auraient-elles à ce point partie liée qu’aucun gouvernement n’ait eu la volonté politique de faire machine arrière depuis les années soixante ? Certes, en termes de produit financier le réseau français de traitement industriel des déchets est loin d’atteindre les chiffres d’affaires des grandes multinationales américaines, japonaises ou indiennes ( Global Environmental Engineering, Reva Enviro System, EDL India etc…).Mais la démographie et la prolifération des biens de consommation aidant, le pactole de l’incinération n’a cessé de croitre depuis l’ouverture en 1960 de la première grande surface de l’hexagone.
Quelques chiffres pour éclairer la raison sonnante et trébuchante de l’entêtement rétrograde de l’Etat français : entre 1998 et 2005, le marché des activités liées aux déchets a progressé de 5 à 6%, ce qui représente, bon an mal an, entre 8 et 10 milliards d’euros. Compte tenu de l’omerta qui entoure les bénéfices du lobby de l’incinération (aucun des ouvrages sur la question ne chiffre exactement la prospérité de la filière), on en est réduit à des approximations. Un coup de fil personnel à l’ADEME m’a convaincu de la pudeur tendancieuse des organismes d’Etat, quant aux revenus des sociétés concernées : « nous n’entrons pas dans l’intimité (sic) des sociétés, cela ne se fait pas »… Dans l’affaire de Fos où le maire de Marseille, Gaudin, s’arcboute sur son projet d’UIOM, la raison financière et la motivation politicienne semblent inextricablement emmêlées. Chez l’élu de la majorité gouvernementale, cet entêtement procède à la fois du fameux syndrome NIMBY( Not In My Backyard, pas dans mon jardin), y compris dans sa variante électorale (Not in My Election Year), et du souci de rentabiliser l’alternative à la décharge d’Entressen. A l’évidence, il s’agit là d’un parti pris global de défense de l’option « tout industriel », analogue à celle du « tout nucléaire » où l’on s’efforce d’annihiler ( au besoin, en les contrôlant) toutes les alternatives de développement divergentes. Ce qui ressort de cette politique, c’est par exemple les cadeaux (prélevés sur l’argent des contribuables) que l’Etat a généreusement distribués en subventions à l’installation d’UIOM - 107 millions d’euros entre1993 et 2000. C’est surtout l’emprise de groupes comme la SITA (32 filiales, 18.000 employés, 45.000 clients industriels et commerciaux, 43 unités d’incinération, 2,6 milliards de CA…) qui se partagent la galette royale des rebuts de la société de surconsommation. Sur les 82% de déchets collectés, la part de l’incinération s’élève à 45,9%, celle de la mise en décharge à 43% ; le reste allant à la valorisation organique (compostage, méthanisation) 7% ou au recyclage 8%. En fait, c’est sur la boulimie et l’insouciance des consommateurs que l’industrie en général et celle de l’incinération en particulier ne cesse de se développer.

Aujourd’hui, avec 360 kg par habitant et par an, le poids des déchets ménagers représente en France près de 22 millions de tonnes (31,5 millions si l’on y ajoute les encombrants et les déchets verts). Le traitement d’une tonne revient à 150 euros, contre 75 euros en 1994. A vos calculettes pour avoir une idée du capital accumulé sur nos rebuts !... Dernière précision officielle sur la dépense occasionnée par la gestion du gâchis public : il en aurait coûté 8 milliards d’euros en 2002. Depuis, secret d’Etat… Or, s’il est vrai que

« rien ne se perd …tout se transforme »

dans le domaine du déchet comme ailleurs, cela ne signifie pas que l’on doive utiliser n’importe quelle technique de valorisation. Il existe plusieurs alternatives capables de contrebattre, dans l’intérêt général, les intérêts privés et la raison d’Etat qui les conforte. En premier lieu, l’éducation et les incitations à la responsabilité civique, et ensuite l’encadrement rigoureux de la gestion « industrielle » des déchets, le contrôle de la production « à la source », le tri sélectif, le réemploi ( ex :la consigne), la régénération( raffinage), le recyclage, le compostage, la méthanisation, le stockage, l’enfouissement étanche…Toutes ces procédures qui récusent la fatalité de la pollution permanente méritent que l’on revienne sur le détail de leurs opérations.

à suivre ...

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