L’HOMME EST BON
Triste été. C’est désormais inscrit dans les astres aussi clairement que la course des planètes, notre gauche alternative, dans une tendance quasi amibienne à la scissiparité, sera toujours infoutue de produire autre chose que de la division. Un constat d’autant plus définitif et tristounet que la victoire du non au référendum sur la constitution européenne, pondue par l’allumé de Vulcania , une des plus volcaniques plantades en matière de parc de loisirs, nous avait enfin donné l’illusion, après quarante ans de purgatoire minoritaire, qu’il était proche, le jour couleur d’orange bolivarienne, où l’on pourrait copiner avec un pouvoir enfin aimable.
Est-il possible, en effet, d’imaginer pire frustration pour un citoyen joueur que de glisser pendant quarante ans un bulletin de vote dans une urne sans jamais voir sortir le moindre petit numéro gagnant ? Est-il possible de rester zen, à pratiquer son petit taïchi quand, calculette en main, on constate que quarante ans de contribution au budget de l’état n’ont servi qu’à conduire à la ruine ou à la privatisation l’essentiel de nos services publics consacrés à l’information, à l’énergie, au logement, à l’éducation et à la santé, alors que prospérait une industrie criminelle de l’armement grassement subventionnée, qui faisait de chacun des citoyens de notre pays des droits de l’homme un assassin complice, des pires régimes de la planète.
Vous l’aurez sans doute compris, nous sommes, en ce mois d’août de l’an de grâce 2007, effleurés par le doute. Peut- être ne suffit-il pas de se répandre dans les rues en criant comme des ânes qu’un « autre monde est possible ». Discuter jusqu’à pas d’heure en coupant les cheveux en quatre en buvant des gros coups de rouge, s’enliser dans des querelles de personnes en ruinant toute ambition politique véritable n’est-il pas le signe que nous nous accommodons, en fait, plus ou moins inconsciemment de la situation ? Et pourtant, quelle pitié de voir ce qui nous divise en regard de ce qui devrait nous unir ! Qu’ils semblent riquisquis et dérisoires nos cinq candidats aux Présidentielles hérauts d’un monde meilleur. Comme il aurait dû être simple, évident, de bon sens, qu’un seul d’entre eux « pèse » dix à douze pour cent pour simplement signifier qu’un « autre monde était possible » et qu’il était en marche. C’est qu’il a une telle gueule d’atmosphère ce monde-là, écartelé entre tragédie écologique, massacre impériale ethnique et bérézina économico sociale, qu’on se demande encore comment nous avons pu en redemander. Nous voilà donc servis.
….MAIS LE VEAU EST MEILLEUR
Vous y comprenez quelque chose, vous, aux grandes manœuvres financières de la Réserve Fédérale américaine, et de son homologue européenne qui chipotent par gouvernements interposés sur quelques minables déficits publics et injectent sans sourciller 150 milliards de dollars par ci, 200 milliards d’euros par là pour « régler un problème localisé à un segment du marché américain », comme l’affirme avec un sérieux papal Christine Lagarde, notre ministre des finances ? Un segment que l’on s’accordera à trouver plus dispendieux que les lits et le personnel supprimés cette semaine aux urgences dans tous les hôpitaux du pays. Un segment apparemment si chouchouté que l’on serait tenté d’y faire un tour.
À l’origine, semble-t-il, une de ces heureuses lubies qui font le charme de Georges Bush, l’excellent pote à Sarkozy. Vouloir faire de chaque citoyen américain, un « propriétaire ». Un « propriétaire » d’une maison de merde et d’un carré de pelouse payé sur trente ans au prix fort à un entrepreneur de merde au moyen d’un emprunt de merde grevé d’un intérêt prohibitif. Un emprunt vite affublé du gentil sobriquet de « subprime » par les marchés, c’est à dire « emprunt en or fourgué à un pigeon » et des pigeons, tous pauvres, of course, il y en eut tant et tant, des millions et des millions, que la baudruche finit par crever. Cette armée de « propriétaires », à qui l’on avait consenti des prêts à des taux quasiment usuraires, ben oui, le risque, ça se paye, se mirent à caler par millions devant leurs échéances. On commença par saisir leur maison de merde, mais très vite on réalisa que, construite par des promoteurs de merde, elle ne valait pas un clou. On fit donc saisir leur salaire de merde. Maison de merde, promoteur de merde et salaire de merde ne sauvèrent pas les banques de la bérézina qui par centaines firent faillites, mais sans doute faut-il garder le meilleur pour la fin : nos banques françaises, BNP en tête, alléchées par le taux d’intérêt des « subprimes », plongèrent elles aussi en masse avec délices dans l’opération « tous propriétaires avec Georges Bush ».
La suite vous la connaissez, elle nous aura coûté jusqu’à ce jour à nous Européens, plus de 200 milliards d’euros. Alors question : qu’est-ce que c’est que ce néolibéralisme petit bras qui a toujours besoin de papa et de maman pour réparer ses bêtises ?
Michel, Gazette Utopia - Toulouse et Avignon