Arles 20-26 septembre 2002

"ARRÊT SUR MAISON D’ARRÊT"

ACTES DES JOURNÉES DE RÉFLEXION

samedi 12 avril 2003

Aborder les questions peine de mort et enfermement sous des angles aussi différents que l’histoire, le juridique, la sociologie, la philosophie ou l’approche pragmatique du quotidien en prison, telle était l’ambition de LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME lors des journées de réflexion organisée à Arles du 20 au 28 septembre 2002.

CONFERENCE-DÉBAT - VENDREDI 20 SEPTEMBRE : “DE LA PEINE DE MORT À LA LONGUE PEINE “

Après un survol historique de l’enfermement à travers les âges : cachots, bagnes et autres bastilles de l’ancien régime, Michel Tubiana, Président de la Ligue des Droits de l’Homme, vice président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, en vient aux origines de la prison républicaine. Première référence à Michel Foucault (1) : le passage au XVIIIème siècle du supplice des corps au châtiment plus sophistiqué des âmes, et de la mise au point au XIXème siècle de tout un ensemble de procédures pour quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à la fois dociles et utiles.
La prison est à replacer dans la formation de cette société de surveillance ; ce qui amène notre invité à dénoncer l’aspect “mécanique” de l’allongement de l’échelle des peines après l’abolition de la peine de mort en France (1981) et la banalisation de ce que l’on appelle aujourd’hui les longues peines, avec période de sûreté allant jusqu’à 20, 25 voire 30 années de réclusion.
Par leur aspect destructif ces peines ne peuvent répondre aux missions qui doivent être celles d’une justice cohérente (réparation, reconstruction, réinsertion). Ces sanctions extrêmes poussent au contraire à la rupture et privent l’individu de l’essentiel, l’espoir. Elles s’opposent au travail indispensable à la reconstruction. Dès lors s’enchaînent notion d’injustice, échec, haine etc...
Suit la question des victimes et de leur place dans le processus pénal. Le juriste approuve cette innovation récente dans la justice française. Elle répond à une certaine légitimité, mais il est plus sceptique quant à la tendance au glissement vers une judiciarisation excessive de la société avec comme point d’orgue le mythe du risque zéro, leurre récurant et démagogique, mais d’un bon commerce électoral. En découle la société procédurière qui se met en place sous nos yeux et qui n’a de libérale que ses dérives matérielles et mercantiles. Ce qui fait dire à M. Tubiana qu’à ce rythme on ne tardera pas à faire des procès à ... Dieu.
La question de la vengeance est évoquée et la réponse est claire : En aucune façon la justice, outil de l’Etat de droit, ne doit se laisser entraîner vers les mouvements plus ou moins passionnels d’une “opinion publique”, elle même tellement façonnée par des médias rarement à la hauteur de l’éthique qui convient. Une justice indépendante et responsable doit au contraire prendre le recul nécessaire, la bonne distance avec le justiciable. Mieux, elle doit produire une action pédagogique sur la société et notamment refuser cette fonction d’expiation du condamné. On sait bien que la douleur infligée au coupable n’est pas nécessaire à l’idée de séparation.
La salle s’anime. Un ex-détenu longue peine livre son sentiment sur la prison mouroir. Les questions fusent : Pourquoi l’inertie des politiques pénitentiaires des gouvernements précédents ?


(1) Michel Foucault : Histoire de la folie classique
Surveiller et punir
Pourquoi l’inégalité des classes sociales devant l’enfermement ? Pourquoi l’impunité de la grande délinquance financière qui n’entraîne que très rarement la prison ?
Toutes ces interrogations, nous allons les aborder durant la semaine.

Pour finir, un rappel sommaire sur la question de la peine de mort dans le monde : 83 pays pratiquent encore cet acte barbare, dont certains s’affichent pourtant comme figure de proue du modèle démocratique... Un tour d’horizon sur l’évolution des justices enropéennes. On apprend par exemple que l’Espagne a supprimé définitivement l’emprisonnement des mineurs (2)...

MARDI 23 SEPTEMBRE - DEBAT : LA VIE EN PRISON

Après la projection du film “Un enclos” de Sylvaine Dampierre qui retrace une expérience (quelque peu idyllique) réalisé par un groupe de détenues à la prison de Rennes, Claude GAY, aumonier, entame par une pétaphore significative : “l’enfermement est un casque dans lequel glissent des scorpions. Les parois lisses les attirent irrémédiablement vers le fond”. Toute détention est vécue comme une injustice, le détenu devient victime et à partir de là aucun travail sur lui n’est possible.
Le problème de l’innocence en prison semble plus important qu’il n’y parait (surtout en matière de mœurs). Cela nous renvoie au mécanisme de la garde à vue et de l’aveu, obtenu quelques fois dans des conditions plus que discutables (3), mais aussi aux règles trop rigides de l’univers carcéral, lequel préfère ordre et certitude à la complexité de certains délits. Une bonne culpabilité bien avouée rassure, justifie les règles, conforte l’ordre des choses dans un milieu peu enclin au doute et à l’incertitude ;
Claude GAY souligne l’aspect dangereux de la prison préventive, excessive et perverse, et pour beaucoup de jeunes, l’apprentissage d’une vrai délinquance. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, l’évolution technologique des nouvelles prisons n’apporte pas plus d’humanité. Au contraire, les détenus préfèrent les vieilles prisons, plus vétustes, mais où l’échange humain est encore possible.

François BES, permanent de l’O.I.P. (Observatoire International des Prisons)(4) présente son organisation. Il affirme l’indépendance financière de celle-ci par rapport au ministère de la justice. Elle dispose d’un statut consultatif auprès des Nations Unies. Ses buts : observer, dénoncer, proposer des alternatives.
La santé en prison : Jusqu’en 1994, les médecins relèvent de l’administration pénitentiaire. Après 94, l’hôpital public assure les soins mais un surveillant encadre toujours les rapports medecin/détenu. Cela ne facilite pas la confidentialité. Pour une consultation spécialisée les délais sont très longs. Pas de permanence le week-end et la nuit, pas d’intervention en cas d’urgence.
Globalement, la prison génère la maladie. La majorité des détenus deviennent dépressifs, insomniaques ou anorexiques. Plus de 30% des 52 000 détenus en France souffrent de troubles mentaux dont la moitié sont atteints de pathologies lourdes. La dépendance aux psychotropes est très élevée. S’ajoutent les maladies durables ou incurables, les détenus atteints par l’âge et l’usure, toute cette population à qui il faut offrir manifestement un autre cadre de soins que la prison (5). La prison provoque un taux de suicide supérieur de sept fois au milieu extérieur. C’est un mal endémique à la prison. 60 morts suspectes sont à signaler entre 2001 et 2002 !

Avec Anne Marie MARCHETTI, (6) sociologue, on entre dans la problématique des causes et mécanismes. La prison pour quoi ? La prison pour qui ? Après avoir rappelé les origines de la structure pénale telle qu’on la connaît (19ème s.) elle retrouve les concepts de Foucault de Surveiller et punir : la prison comme la fin du processus d’exclusion sociale, entreprise d’élimination des classes improductives, dangereuses, marginales, dernière étape d’une société qui n’a d’autres ressources que d’enfermer ceux qu’elle a exclus, ne serait-ce que pour éviter le phénomène de miroir que ceux-ci lui renvoient. On est proche des thèses de Loïc Waquant (7) qui lie l’incarcération systématique au quadrillage des quartiers dits sensibles à la répression accrues des populations “à risques” : étrangers, sans papiers, sans abri, sans droit, sans ressources, tous les laissés pour compte de l’idéologie économique néo-libérale, laquelle se débarrasse peu à peu des charges de l’Etat Providence pour ne garder que l’aspect policier de l’état, l’état pénitence. Ce système planifié et expérimenté aux Etats Unis par de véritables théoriciens de la répression a gagné l’Europe par l’Angleterre pendant les années Thatcher et pénètre aujourd’hui en France porté par des politiciens


(2) Revue Dedans-Dehors n°32 Juillet 2002
(3) Thierry Levy : Justice sous Dieu
(4) Revue Dedans-Dehors : OIP 31 Rue des Lilas 75019 PARIS
(5) Véronique Vasseur : Médecin chef à la prison de la santé
(6) Anne Marie Marchetti : Perpétuité
(7) Loic Wacquant : Les prisons de la misères

indignes, qui après avoir suscité la peur dans les populations, propose la solution clé en main : le tout répressif.
En France aujourd’hui le programme d’un certain P. BEDIER, secrétaire d’état au programme immobilier de justice (comme cela est bien dit) prévoit 13 200 places de prison supplémentaires. Comme la politique de ce pouvoir en matière de logements sociaux ne parait pas être prioritaire, doit-
on en conclure que 13 200 pauvres de plus sont en passe d’être logés ... en prison ?
La prison pour qui ? Les chiffres parlent d’eux mêmes : le pauvre va plus en prison. Il y reste plus longtemps. Ses conditions de détentions sont plus difficiles. Il a moins de chance de se réinsérer dans la société.
- 85 % des détenus sont issus de classes populaires (ouvriers déclassés, chômeurs, précaires, immigrés)
- 25 % des justiciables sont illettrés
- 80 % sont en dessous du C.A.P.
Le père Hugo disait déjà en son temps “ouvrez les prisons et construisez des écoles”
Anne Marie Marchetti termine sur ce constat sans appel : “comment demander à la prison d’être juste dans une société particulièrement injuste”.

SAMEDI 28 SEPTEMBRE 2002 : A QUOI SERT LA PRISON ? LES ALTERNATIVES

Gabriel MOUESCA est un ex-détenu longue peine (8). Il parle de la prison avec gravité, précision, efficacité. La force de son intervention signe une douleur contenue mais combattante. “La prison en l’état ne sert à rien sinon à détruire les femmes et les hommes qui la subissent. Elle ne répond en rien aux missions qui devraient être les siennes : sanctionner, réparer, réinsérer.” Il aborde l’arbitraire érigé en méthode qui règne à l’intérieur des murs. “C’est une technique délibérée, une façon d’humilier, de déshumaniser, une volonté de l’administration de renforcer le pouvoir de l’encadrement en accroissant la dépendance du détenu. Vexation, difficultés administratives, hiérarchie de l’encadrement et des détenus, violence, quasi absence de démarche de réinsertion ; du coup le coupable devient vraiment une victime et cela le prive définitivement du chemin personnel indispensable à sa reconstruction. Toute personne détenue sort de prison pire qu’elle n’y est rentrée et la prison, censée être une simple privation de liberté, devient un lieu de régulation sociale, d’élimination. On y trouve de plus en plus de pauvres du tiers et du quart monde : étrangers, marginaux, improductifs, les oubliés du mirage libéral. Cette violence institutionnelle induit, favorise, organise même la récidive. La culture, l’éducation, la formation doit prendre une vraie place dans les prisons sans quoi elles demeureront longtemps les pourrissoirs de la République

En préalable Nicolas FRIZE, responsable de la commission prison à la L.D.H. (il a participer aux travaux des parlementaires) pose la nouvelle donne : la volonté affichée du nouveau gouvernement en matière de libertés publiques, plombe le débat de cet après-midi, le vide de son sens. En effet, explorer les alternatives à l’emprisonnement sous-entend
un contrat de confiance avec le justiciable, suppose que l’homme est transformable, amendable, récupérable. Or la virulence des récentes campagnes électorales et les lois liberticides en préparation désignent la société française comme criminogène. Sous prétexte d’honorer des engagements électoraux vils et démagogiques, ce pouvoir s’oblige à des mesures qui avaient été abandonnées par ses aînés. (Maisons de correction fermées en 1978 par le ministre de la Justice de l’époque sur un constat d’échec : trop cher, inefficace, usine à fabriquer de la récidive, dixit Alain Peyrefitte, qui ne brillait pourtant pas par excès de laxisme).
Les alternatives existent ; elles ont été peu explorées par les pouvoirs précédents :
- Travaux d’intérêt général
- Surveillance électronique
- Privation de droit (suppression des droits civiques, du permis de conduire etc...
- Sursis
- Jours amendes
- Interdiction bancaire
- Injonction de soins médicaux
- Placement en milieu ouvert
- Etc...

Si l’on ajoute l’aberration de la prison préventive, la politique frileuse des remises de peine, le gel de la liberté conditionnelle, on se rend compte que plus de la moitié de la population carcérale peut être évitée. Cela ne cadre pas avec le projet de construire 13 000 places de plus en France au moment où d’autres pays européens (l’Espagne, le Portugal) suppriment définitivement l’enfermement des mineurs.
Nicolas FRIZE en vient à ce qui nous parait être le nœud du dilemme justice - enfermement : _______
(8) Gabriel Mouesca : Journal d’un longue peine
le sens de la peine.
Tous les observateurs, penseurs, philosophes s’y sont confrontés : La punition comme rappel de la loi ? Comme rempart de la société ? Comme devoir moral qui doit être juste et à la mesure de l’exigence que l’homme porte en lui ? Ou bien comme moyen de défendre les intérêts particuliers et les rapports de force sociaux des pouvoirs en place ? Les approches sont multiples mais il est une constante : on parle de la prison et si peu de la peine. Pourtant la légitimité de cette peine dépend de la manière dont le sanctionné la perçoit, comment il en devient l’acteur et partant retrouve la capacité de vouloir son destin. La peine ne peut être “fructueuse” que si elle est investie par le condamné lui-même, s’il se l’approprie et la reconnaît comme juste. Au demeurant, les longues peines inhumaines et dégradantes s’opposent, par le caractère définitif de leur démesure, à toute forme de rachat. Elles tuent l’espoir.
Nicolas FRIZE (9) conclue sur cette interrogation : “Que pensons nous réparer en détruisant ?”

LES TABLES RONDES

Elles étaient conçues comme des rencontres approfondies entre différents acteurs, opérateurs, intervenants de prison et un public déjà sensibilisé.
Aux dires de tous, elles ont permis de rapprocher des personnes qui ont en commun une proximité de la prison mais qui n’échangent pas forcément.

1° RENCONTRE : PROBLEMES LIES AUX FAMILLES DE DÉTENU

Bien que le code de procédure pénale reconnaisse l’importance du maintien des liens familiaux, le fonctionnement des échanges entre détenus et familles reste très inégal, soumis au règlement intérieur de chaque établissement : permis de visite, conditions de parloir etc...
Les familles dénoncent la trop grande brièveté des parloirs ainsi que son côté exigu. Ils ne favorisent pas assez la confidentialité ; loin de permettre une intimité indispensable à l’élémentaire relationnel, ils provoquent souvent des traumatismes psychologiques en particulier chez les enfants. Une des demandes fortes est qu’un personnel formé et motivé soit consacré à l’accueil et au déroulement des visites. Il est à signaler que bon nombre de pays européens (anglo-saxons et scandinaves) sont beaucoup plus avancés dans ce domaine.

Autre problème fréquemment invoqué par les familles est le manque de transport public pour accéder jusqu’à la prison les jours de parloir. Certaines communes ont résolu le problème en affrétant des taxis gratuits (trajet gare - prison). Nous voulons rappeler ici que les villes bénéficient de subventions pour une prison au sein de leur commune. Par ailleurs, la présence d’une prison génère une réelle économie (emplois, services etc...)
Autre aspect inconcevable est qu’en cas de transfert de détenus la famille est tenue absolument à l’écart pour rétention d’information ce qui entraîne, en plus des difficultés économiques existantes, une rupture totale soit avec le détenu, soit avec l’environnement des familles (ville, travail, école etc...)
Enfin les familles s’insurgent contre l’arbitraire de certains directeurs d’établissement qui interdisent purement et simplement le droit de visite aux enfants dont les parents sont séparés ou divorcés.

2ÈME RENCONTRE : LES ACTIVITES EN MILIEU CARCÉRAL

A - éducatif
En région PACA, il existe 15 centres scolaires et un responsable par centre. Seuls les instituteurs peuvent intervenir à temps complet ; les professeurs n’étant que vacataires, les projets pédagogiques s’en ressentent. Les cours étant dispensés souvent aux mêmes heures le détenu doit faire un choix restrictif.
Les transferts fréquents ne permettent pas toujours le suivi d’une formation. En règle générale peu de détenus participent aux activités éducatives.

B - Culturel
Les travailleurs sociaux même lorsqu’ils sont statutaires des collectivités territoriales sont soumis à l’arbitraire de l’établissement quant au contenu de leurs activités ; ce qui les place souvent dans une proposition ambiguë : d’un côté, leur implication dans la durée, une réelle motivation, de l’autre un règlement coercitif restreignant. Tous signalent le manque de coordination, de suivi. Comme si ces activités relevaient aux yeux de la structure pénale plus de l’occupationnel que _______
(9)Nicola Frize : Revue Hommes et Libertés n°111
d’un vrai souci d’éducation, d’émancipation des détenus. Tous dénoncent la lourdeur administrative, le scepticisme, cette fameuse chape de plomb qui gangrène la prison et que Nicolas FRIZE nomme “la culture carcérale” ;
La proportion de travailleur social par rapport aux surveillants (1 pour 35) suffit à rappeler l’aspect primordial du sécuritaire sur l’éducatif

C - Le travail en prison
Les travaux forcés sont abolis en France depuis 1966 et l’état de droit ne prévoit pas de dérogation. Le droit est pourtant bafoué de façon légale dans les prisons de la République : travail aux pièces, absence de contrat, débauchage, arbitraires, salaires dérisoires, conditions de travail et de sécurité souvent précaires.
Le travail en prison manque souvent d’intérêt, il n’est pas gratifiant pour le détenu. Les tâches répétitives l’ emporte en général sur l’esprit créatif ex : à la Centrale d’Arles les détenus fabriquent des uniformes de ... surveillants.
L’encadrement et la formation sont insuffisants au regard des besoins (1travailleur social pour 100 détenus). Il semble que l’administration pénitentiaire invite les entreprises sur la base de la flexibilité, la rémunération réduite des personnels, les charges sociales limitées, en somme une main d’œuvre déclassée, un sous-prolétariat corvéable. Est-il admissible que le ministère (l’état) favorise la notion de sous droit ?
Nous pensons à l’inverse, que conférer des droits aux détenus serait de nature à leur montrer une autre image de la société qui les a punis, leur offrir un autre rapport que celui de dominant/dominé. A l’évidence cela participerait de leur reconstruction (ou de leur construction) en les plaçant face à un principe de droit, lequel doit demeurer imprescriptible même en prison.

3EME RENCONTRE : A PROPOS DE DEUX QUESTIONS CONCERNANT LA PRISON

La communication directe intérieur/extérieur
Un groupe de militants développe la façon dont ils interviennent sur Radio Pluriel (Paris) : émissions régulières avec pour invités des ex-détenus, familles, proches etc... Le contenu va du service à la réflexion de fond. L’émission est relayée par un certain nombre de radios associatives en France. L’unanimité se fait pour reconnaître la radio comme un média essentiel à la prison. Tous les détenus sont concernés et tous peuvent capter avec un minimum de moyen.
Ce même groupe publie également un mensuel l’Envolée (10) avec textes et analyses émanant de détenus ex ou proches. La communication qui à l’extérieur est à saturation : surinformation, désinformation, reprend à l’intérieur des murs tout son sens. Rompre l’isolement, se sentir concerné, faire encore partie du monde.

Une autre intervention portait sur le problème des stupéfiants qui touche bien sûr la prison.
Robert DELANNE (11) a consacré à la question une grande partie de sa vie. Historiquement très documenté, il lie la prohibition aux stratégies d’un système financier international qui, au gré des alliances et intérêts d’état, produit et organise un commerce fleurissant, une économie indispensable au modèle dominant tout en le diabolisant auprès du grand public.
Cette hypocrisie se répète à l’intérieur des murs où l’on trouve à peu près tout, au vu et su d’un encadrement qui doit y trouver des avantages. On connaît l’effet apaisant des drogues douces et on peut penser qu’ajouter à la télévision et aux psychotropes le résultat est efficace pour la tranquillité de la vie carcérale.
L’ensemble de ces débats se prolongèrent tard dans la nuit au Cargo de Nuit (Arles) dans lequel se tenait le café philo habituel, organisé par Radio Zinzine et la L.D.H., sur le thème de l’enfermement : enfermés ans le monde du travail, dans la société de consommation, dans sa propre vie, dans des certitudes, enfermés, toujours enfermés...”J’enfermerai ma honte dans la nuit du tombeau...” Racine.

EXPOSITION “ARRÊT SUR MAISON D’ARRÊT ESPACE VAN GOGH - ARLES - 20 - 28 SEPTEMBRE 2002

Conçue par la L.D.H. (section de Lille), elle se divise en quatre parties :

1 - Reconstitution d’une cellule grandeur nature qui place le visiteur dans l’ambiance cellulaire. Hyper réalisme garanti : ameublement dépouillé, œilleton extérieur, bruitage... Ces neuf mètres carrés peuvent être partagés par trois, voire quatre personnes. On comprend mieux les termes qui reviennent de manière récurrente : humiliation, déshumanisation, promiscuité.


(10) L’Envolée 63 rue de Saint Mandé 93100 Montreuil sous bois
(11) Robert Delanne : 1 Rue de l’Arc de Constantin 13200 Arles, Tél 04 90 93 66 02 cf les n° 29 & 30 de la Revue Combat : 2 Rue Edouard Vaillant 93200 - ST Denis Tél 01 42 43 77 21

2 - Trente mètres linéaires de panneaux explicatifs avec textes, récits, photos, s’articulant selon six niveaux d’information. Le quotidien en prison, la justice, les prisons de la République, leur histoire, l’état du droit, les alternatives. Très pédagogique pour ceux qui ont pris le temps (parfois à plusieurs reprises) de s’y immerger.

3 - Une salle réservée aux coupures de presse, documents, photos, librairie, mais aussi aux œuvres réalisées par des détenus eux même, peintures, peintures sur soie, pièces d’ébénisterie
d’une rare facture.

4 - Un coin vidéo où passent en boucle des films sur l’enfermement ; savante recherche concoctée avec beaucoup d’à-propos par nos partenaire de la médiathèque

La fréquentation de l’expo, faute d’avoir rencontré un succès quantitatif a réservé aux plus curieux beaucoup d’enseignement.
On peut regretter un nombre insuffisant de scolaires : collèges et lycées (la période du début de l’année scolaire ne s’y prêtait peut être pas). A ce sujet la Ligue des Droits de L’homme propose aux enseignants d’éventuels prolongements à l’intérieur des établissements : théâtre, lecture, expositions, débats etc...
L’exposition “Arrêt sur maison d’arrêt” continue sa route vers Marseille (début 2003) puis d’autres villes de la région P.A.C.A.

LES MANIFESTATIONS CULTURELLES


THÉÂTRE

A mort d’après le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo. L’année Victor Hugo tombait à point nommé pour se replonger dans ce texte fondateur que le pays des droits de l’homme a mis plus d’un siècle à assimiler.
“Que ce que j’écris ici puisse être un jour utile à d’autre, que cela arrête le juge prêt à juger, que cela sauve des malheureux innocents ou coupables de l’agonie à laquelle je suis condamné” (Victor Hugo). L’adaptation actualisée de Thierry PAILLARD ramène à l’essentiel, force, vigueur, intensité. La mise en scène de Valérie BARRAL est sobre, dépouillée : un carré de lumière, un homme, la mort qui vient... Emotion et gorges serrées pour les scolaires qui remplissaient le théâtre le matin ainsi que pour le public du soir également nombreux et captivé.
Ce spectacle est disponible :

contact “Cie le Rouge et le Vert “ 8 Rue Balze 13200 Arles
Tél : 04 90 96 35 26

Le condamné à mort de Jean Genêt.
Comment parler d’enfermement sans la présence de celui qui a payé un lourd tribut et dont la prison a suscité de si belles pages : Jean Genêt.
Adapté par la compagnie SUBITO de façon inédite (musique, textes, chansons). Ce texte, écrit pour Maurice Pilorge, assassin de vingt ans, ami de Genêt, provoque frisson, trouble, émotion. “Que cet enfant eût été digne d’un autre destin ” ;la salle du Cargo de Nuit est sous le choc.
Ce spectacle est disponible :
contact Cie “SUBITO” 22 Rue Maréchal 30 000 NIMES Tél : 04 66 21 64 10

Bernardo SANDOVAL et son solo de guitare ajoute à la soirée une dimension de complicité intimiste. La troisième mi-temps libère tout le monde et se montre pleinement à la hauteur de l’affiche : soirée festive.

LECTURE

Les lectures de textes, récits, poèmes des compagnies “Le Rouge et le Vert” et “Courant d’Ère furent suivis et appréciés aussi bien à la médiathèque qu’à la librairie Harmonia Mundi.

EXPOSITION

L’exposition des peintures les Enfermées du peintre BESSOMPIERRE sous les arcades du Cloître Van Gogh présentées à travers des grilles de chantier, ajoutèrent beaucoup d’amplitude et de sens à l’évènement.

DOCUMENTATION

A noter un travail très circonstancié du personnel de la médiathèque concernant la discographie, la filmographie et la bibliographie.
Cette documentation est disponible à la médiathèque d’Arles ainsi qu’à Musique Arles, disquaire (12)

CONCLUSION

La presse locale et régionale a plutôt bien réagi, couvrant l’ensemble des manifestations avec une certaine objectivité.

A déplorer l’absence officielle de représentant de l’administration pénitentiaire qui, bien qu’ayant été invité à participer à ces réflexions, n’a pas cru bon de venir enrichir le débat. Faut-il y déceler une preuve de plus, quant à la distance entre le monde carcéral et la société civile ?
Cette méfiance pathologique qui empêche toute avancée véritable.
A déplorer également le manque d’investissement réel de la part des élus et des “politiciens patentés” en général. Le thème de la prison serait-il à ce point impopulaire pour provoquer la frilosité de l’ensemble des décideurs ?

Au final, ces journées de réflexion sur l’enfermement révèlent beaucoup d’aspects négatifs aussi bien au niveau des causes et mécanismes qui conduisent en prison, qu’aux conditions de détention elles mêmes dans les prisons de France :
° Absence de réflexion sur le sens de la peine
° Esprit coercitif qui l’emporte sur le respect des valeurs humanistes
° Carence sur le problème des alternatives
° Non respect des règles élémentaires du droit
° Perte de citoyenneté
° Déficit de dignité
° Principe d’arbitraire
° Inégalités patentes devant l’échelle des peines et à l’intérieur des murs.
° Surpopulation liée à trop d’enfermement
° Générateur de récidive
° Longues peines inhumaines et destructibles
° Absence de souci de réinsertion`
° Etc...
Cela confirme bien le résultat des enquêtes menées par les parlementaires et sénateurs de tous bords politiques en juillet 2000 “Les prisons françaises sont une humiliation pour la république”.
Devant ce constat accablant le Ligue des Droits de l’Homme ne peut que dénoncer cela comme contraire à l’idée qu’elle se fait de l’homme et de l’humanité et de fait ne peut que condamner sans détours cette prison là.
Au delà, à la question de savoir s’il faut ou non remplacer la prison, et par quoi, nous éviterons les problématiques stériles et simplificatrices entre “réformistes et abolitionnistes”. Nous pensonS, en effet, que devant la complexité du problème il n’y a pas de stratégie qui vaille mais qu’au contraire beaucoup de formes d’engagement doivent se compléter. La confiance en l’homme, qui nous anime encore, nous permet d’espérer que la formule lapidaire de Michel Foucault comporte une marge d’évolution. Il disait “ La prison, cette détestable solution dont on ne saurait faire l’économie ”. Osons dire : la prison, cette détestable solution dont on saura un jour, faire l’économie.
Après tout, les objectifs qui paraissent les plus utopiques ne sont pas forcément irréalisables. Ils sont simplement irréalisés...

Au delà de ces journées de réflexion, la L.D.H. entend bien poursuivre sont rôle d’observation, de médiation et d’action qui ne va pas manquer de se justifier en matière d’enfermement.
Elle favorisera et participera aux initiatives qui iront dans le bon sens : comité de soutien aux détenus, aides aux familles, création d’instances, médiation auprès des pouvoirs publics, relais envers la population etc...
Devant la politique du tout répressif qui s’annonce où le coercitif va supplanter la
nécessaire prévention, la L.D.H. assumera ses missions de vigilance et de résistance. Nous publions en annexe l’appel du 21 Octobre 2002 qu’elle a lancé, largement relayé aujourd’hui par bon nombre de syndicats, organisations, associations, concernant le projet de loi sur la sécurité intérieure.


(12)La Boutique des Passionnés Rue Réattu 13200 Arles Tél :04 90 96 59 93

Nous publions également un bref historique de notre mouvement afin d’éclairer celles et ceux qui voudraient en savoir plus :

Née en 1898 de l’affaire Dreyfus, la L.D.H. ne veut ni opposer, ni hiérarchiser les droits personnels de l’homme et les droits politiques, économiques et sociaux des citoyens.
Mieux, elle estime que c’est par le développement du pouvoir des citoyens que les droits de l’homme sont sauvegardés et renforcés. Cela fait de la L.D.H. une organisation civique et politique, quoique non partisane. Elle se situe à l’intérieur de la République, quitte à en être délibérément la “mauvaise conscience”. Ne se limitant pas à l’exercice du droit de vote, la démocratie doit s’exprimer dans le mouvement social et par l’action associative à tous les niveaux et dans tous les domaines. Très attentives aux conditions d’exercice réel de la citoyenneté, la L.D.H. s’attaque à ce qui réduit ou détruit celle-ci.
L’espace de nos luttes s’est élargi. La L.D.H. est également membre de la F.I.D.H. (Fédération Internationale des Droits de l’Homme, créée en 1992, et présente dans une centaine de pays) et de l’Association Européenne des Ligues des Droits de l’Homme.
“Les droits de l’Homme ne sont pas seulement des mots mais des exigences quotidiennes”

La section L.D.H. d’Arles se réunit tous les deuxièmes mercredis de chaque mois à
la Maison des Associations - Boulevard des Lices - Arles (BP 67)
à 17h30

La L.D.H publie une revue bi-mensuelle “Hommes et libertés” que l’on trouve dans toutes les “bonnes librairies”.

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