dimanche 8 mars 2015
A ne pas rater :
JEUDI 12 MARS 19h Maison de la Vie associative ARLES Projection et débat.
Souad Guennoun est photographe, membre d’ATTAC-Maroc. Elle enquête sur
les dérives et les tromperies du système des microcrédits pratiqués
dans la région d’Ouarzazate (au sud du Maroc).
Depuis plusieurs années des familles de cette région se sont organisées
en associations pour se défendre contre les organismes de microcrédit
qui profitent de leur pauvreté et parfois de leur analphabétisme pour
les noyer de dettes. Les victimes sont en majorité des femmes.
Souad Guennoun a tourné une vidéo lors de la Caravane Internationale de
Solidarité du 24 au 27 avril 2014 qui a réuni des femmes venues du
Bénin, du Mali, de Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Burkina Faso,
d’Argentine, de Belgique et de Haïti pour soutenir cette lutte. Des
témoignages extraits de ce document seront projetés en introduction au
débat avec Souad Guennoun
Si vous voulez en savoir tout de suite un peu plus de ce que c’est
voici l’extrait du petit Alter - le lexique altermondialiste 2006 :
Le micro-crédit (ou la micro-finance) est un système qui consiste à prêter de petites sommes d’argent (d’un montant moyen de 160 dollars) aux plus pauvres - dans les pays du Sud, il s’agit de femmes dans la très grande majorité des cas - qui n’ont pas accès aux financements bancaires, faute de revenus et de garanties suffisantes. Le principe est de leur permettre d’investir dans des micro-projets productifs, ne nécessitant pas un financement important. En effet, plus de 40% de la population mondiale n’a pas accès au crédit bancaire, alors que les vingt premières banques de la planète détiennent des avoirs équivalents à 60% du produit brut mondial.
La première expérience de micro-crédit est la Grameen Bank, fondée en 1976 au Bangladesh par Muhammad Yunus. Elle connaît rapidement un grand succès : les taux de recouvrement des prêts dépassent les 97 % et le nombre de personnes bénéficiant de programmes de micro crédit augmente de façon très rapide en quelques années : on estimait, en 1998, que la Grameen avait prêté quelque 2 milliards de dollars à 2,3 millions de personnes, et était établie dans 37 000 villages, en relation avec 200 organisations non gouvernementales (ONG) locales.La plupart du temps, les prêts sont individuels, mais le fonctionnement est collectif : dans un groupe, par exemple un village, les emprunteuses sont une garantie collective les unes pour les autres. Le remboursement est hebdomadaire et se fait au taux d’intérêt du marché (18 % en général, pour la Grameen Bank).
Ce système est à distinguer du crédit mutuel et des tontines, surtout répandues en Afrique subsaharienne, où le système d’épargne mutualisée n’est chapeauté par aucun organisme, banque ou ONG, et où il n’y a pas d’intérêt.
Le modèle s’exporte rapidement : dans le reste de l’Asie, en Amérique latine (Bolivie, avec Banco Sol, Colombie, Pérou), et même en Afrique (K-Rep au Kenya) et, de manière plus organisée, dans toute l’Afrique francophone, malgré l’existence antérieure de systèmes traditionnels pouvant remplir un rôle analogue. On en trouve aussi dans les quartiers pauvres et les ghettos des grandes villes aux États-Unis puis et dans d’autres pays industrialisés. En France, l’État a créé le Fonds de cohésion sociale en faveur du micro-crédit, en le dotant de 73 millions d’euros.
D’après la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), on compterait aujourd’hui 7000 institutions de micro-crédit dans le monde, qui toucheraient plus de 20 millions de personnes et fourniraient globalement pour 7 milliards de dollars de prêts. Devant ce succès, les organisations internationales et, particulièrement, la Banque mondiale, n’ont pas tardé à manifester leur intérêt. Ainsi, le micro-crédit tient une place importante dans le cadre des stratégies de lutte contre la pauvreté dans plusieurs pays.En 1997, des représentants de plusieurs organismes internationaux ont participé au sommet mondial du micro-crédit organisé par les Nations unies, qui a fixé l’objectif de 100 millions de pauvres devant en bénéficier du micro-crédit en 2005. De nombreuses ONG se sont également lancées dans l’aventure. Les ONG locales servent souvent de relais sur le terrain, et les grandes ONG internationales sont parfois à l’origine de réseaux mondiaux se donnant pour fonction d’impulser le développement du micro-crédit. C’est le cas, parmi bien d’autres, de Americans for Community Cooperation in Other Nations (Accion) qui s’est donné a pour but de promouvoir le caractère commercial d’organismes dont beaucoup étaient, à l’origine, sans but lucratif. Par ailleurs, certains projets de « finance solidaire », « éthique » ou « responsable » financent des projets liés au micro-crédit. Pour ses partisans, le micro-crédit doit donc permettre au plus grand nombre possible des six milliards d’êtres humains de s’insérer dans le fonctionnement de l’économie et d’avoir accès aux opportunités du marché, ce qui contribuerait à la réduction de la pauvreté.
Il permettrait ainsi de faire reculer la pauvreté dans ses multiples dimensions : à la fois strictement monétaire, par la mise en place d’activités génératrices de revenus, mais aussi sociale et culturelle. La vulnérabilité des plus pauvres se trouverait limitée par l’accès à une plus grande sécurité et stabilité de ce revenu, par l’accès à des services d’éducation, de santé, etc. En Asie, les familles pauvres, surtout dans les campagnes, pourraient ainsi échapper à l’emprise des usuriers qui pratiquent souvent des taux d’intérêt supérieurs à 20 %.
Le micro-crédit permettrait enfin d’initier un processus d’empowerment des femmes, selon la notion élaborée par Amartya Sen et largement récupérée aujourd’hui par les organisations internationales. Cette notion recouvre différents aspects interdépendants :
- - accès à une activité productive et rémunérée,
- - mobilité plus grande, liberté de circulation et sortie de l’espace privé,
- - pouvoir plus grand dans la famille, notamment par le biais de la contribution au revenu du ménage,
- - confiance en soi plus grande,
- - possibilité de maîtrise de la fécondité et scolarisation des enfants.
Qu’en est-il vraiment ?
Il est difficile de porter un jugement d’ensemble tant la diversité des expériences est grande. Les effets seraient notamment différents, selon qu’on a affaire à des structures associatives ou marchandes. Ainsi, plusieurs enquêtes sur le terrain, notamment en Asie du Sud où ce système est le plus implanté, aboutissent à des conclusions contradictoires par rapport aux objectifs recherchés. Parfois il est vrai, des études ou des témoignages semblent aller dans le sens de pencher vers l’optimisme. Ainsi, au Bangladesh, 30% des client-e-s de la Grameen Bank seraient sorti-e-s de la pauvreté et 30 % seraient en voie de l’être.
De nombreux projets, trop petits et trop nombreux, en concurrence concurrents les uns avec les des autres sur un marché étroit, dégagent peu de surplus et ne sont pas viables économiquement, alors même que les taux d’intérêt élevés (plus de 50% l’an) et le très court terme des crédits font entrer les femmes dans un cercle vicieux d’endettement (vente de biens pour rembourser un nouvel emprunt) ou les poussent à s’épuiser à la tâche.
Ce n’est pas un hasard que ce texte datant de 2006 est encore assez dubitatif concernant l’utilité des microcrédits. Leur utilité peut être jugé selon le taux d’intérêt exigé.Voir la règle de 72 dans le crédit et son intérêt. Le taux d’intérêt est souvent écarté du débat public.
Voir en ligne : http://www.journarles.org/ecrire/?e...