ADDENDA

AREVA mon amour - 6

Un dossier réalisé par Jean Duflot

vendredi 29 août 2008, par Forum Civique Européen

Cinq articles sur AREVA dans ce média, c’est du harcèlement anti-nucléaire, me direz-vous. Exact. Et tout à fait délibéré.

La proximité et l’occasion faisant le mauvais larron

à tout seigneur tout honneur, la multinationale française, leader mondial en nucléocratie, méritait bien un traitement de faveur. Elle en a d’ailleurs l’habitude.

Et j’ajouterais presque comme adage « à quelque chose malheur est bon », si les incidents de Tricastin ne révélaient pas la dangerosité de l’utopie énergétique de la filière, et ses dégâts passés, présents et à venir. Pour un peu je me laisserais aller à l’optimisme béat du Pangloss de Candide : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes… Car s’il n’y avait pas eu fuite d’effluents radioactifs d’une cuve de rétention à la Socatri, on n’aurait pas exhumé la pollution perpétuelle du tumulus de l’ancienne usine militaire INB-S. Et l’idée de fouiller dans les dégâts latéraux d’un leader de la désintégration industrielle n’aurait pas germé dans le cerveau ( sans doute irradié) de votre feuilletoniste. Et il n’aurait pas eu l’occasion de rappeler qu’Areva n’est hélas que l’un des pylônes d’un système qui risque de devenir hégémonique, une fois révolue l’ère des énergies fossiles merdiques. Que le principe de précaution consiste à refuser de soigner le choléra par la peste. Que le nucléaire a la capacité de tuer autant que le pétrole, et que peut-être un jour ses tueries risquent d’être plus efficaces. Enfin, aurais-je eu l’aplomb de dire que l’apocalypse n’est pas fatale, pour peu que l’on se souvienne de la puissance naturelle des éléments, l’air, l’eau, la terre, le soleil. Tout serait donc grâce, et les bavures d’Areva de simples injonctions du Ciel à s’amender, si quelque part, au moment même où j’ironise, des enfants, des femmes et des hommes n’étaient pas en train de payer de leur vie les généreux kilowatts de nos centrales bien aimées.

D’aucuns trouveront que les antinucléaires jouent de nos craintes obscurantistes. Le cas échéant, disent-ils, le peuple (toujours la même abstraction évaluée à l’audimat) plébiscitera la sublime ressource discréditée par des minorités régressives. Malheureusement la pub et les effets d’annonce prédisposent à l’amnésie.

Hiroshima, Tchernobyl, c’est loin dans l’espace et le temps.

L’enfer est toujours ailleurs, de préférence pour les autres. Faut-il que les « citoyens consommateurs » en aient marre des gaz de leurs pots d’échappement, voire des flatulences nauséabondes de leurs animaux domestiques (si ,si, ça vous troue aussi la couche d’ozone), ou plus prosaïquement de la hausse du carburant, pour croire dans l’âge d’or nucléaire… Gare au réveil, le jour où seront révélés les bilans de véritables enquêtes épidémiologiques - scientifiques, impartiales, dans le rayon d’action de toutes les centrales ! Le vœu pieux du Ministre Borloo, s’il se réalisait, pourrait nous réserver de terribles surprises. Jour de colère rétrospective, et de grincements de dents post-modernes. Ca y est, je prophétise !
D’autres, plus radicaux, en viennent à souhaiter qu’une catastrophe majeure finisse par éclairer les consciences obscurcies. Attention à la politique du pire ! On sait comment ouvrir la boite de Pandore, mais pas comment la refermer.

D’ailleurs, le pire n’a pas forcément besoin de leur colère pour arriver.

Il suffit de consulter sur vos moteurs de recherche la liste chronologique des incidents et des accidents graves survenus sur les réacteurs, pour comprendre qu’il est possible et de plus en plus probable. Tant dans le nucléaire civil que militaire, où l’espèce de l’homo sapiens sapiens a frôlé à plusieurs reprises le générique de fin du Docteur Folamour. Il y a des moments où l’on finit par prendre au sérieux la vieille prédiction compulsive de la théologie communiste : « le capitalisme implosera tôt ou tard dans ses propres contradictions ».

Quoi qu’il en soit, en nucléocratie, on fait balayer toutes ces peurs par les préposés à la voirie scientifique. Dès les années 60 des experts en systémique du sérail ont énoncé le dogme de l’innocuité quasi-totale de la filière. Selon eux la probabilité d’une catastrophe nucléaire est de l’ordre de 10 puissance moins 6, soit un accident grave tous les millions d’années. Youpie ! le prochain Tchernobyl, pas avant l’an 999.014 après Jésus-Christ !. Convaincue de leur infaillibilité, l’angélique Présidente du Directoire d’Areva vient de rassurer les manants qui vivent à l’ombre de ses donjons- paraboloïdes de refroidissement : « Le réacteur EPR est conçu pour résister à tout, y compris les chutes d’avion ». Un slogan commercial dont un collectif de chercheurs anglais vient de contester la pertinence technique. Avec un certain humour très british ils affirment qu’un essai de crash prouverait que le carburant d’un avion commercial de moyen tonnage suffirait à pulvériser les bunkers d’un réacteur de 3ème catégorie. Thank you Gentlemen !

En guise de simulations contentons-nous de rappeler quelques événements récents.

Voici donc un petit mémento à usage des paroissiens convaincus de retrouver un jour le paradis perdu :

1999

- Grave incendie à la Centrale espagnole de Vandellos I. Panne des circuits de refroidissement. On a frôlé l’accident de criticité : De l’avis des experts « le plus grave événement après Tchernobyl » (Classé 3 sur l’INES) [1]. Et pour cause. Les enquêtes épidémiologiques sont le plus souvent réduites à de vagues recensions approximatives. Fermeture en 92.

- Accident de criticité, niveau 4, à la centrale japonaise de Tokaimura. Un millier d’irradiés.

- Inondations de la centrale du Blayais( France). Panne du circuit électrique et surchauffe. Catastrophe évitée in extremis.

2000

- Graves dysfonctions de réacteurs dans les centrales d’Indian Point et de Richland(USA). Evacuation massive des populations environnantes.

2003

- Avarie du système de refroidissement à la centrale hongroise de Paks ; Alerte européenne ( plan d’urgence ECURIE).

2005

- 13 incidents dont 5 défaillances sérieuses des réacteurs de Fessenheim Débat sur une fermeture éventuelle de la doyenne des centrales françaises.

- Centrale britannique de Sellafield : Fuite de liquide hautement radioactif dans une structure d’un réacteur : 80.000 litres de solution contenant 19 tonnes d’uranium entrent en contact avec 200 kgs de plutonium. La fuite a duré 9 mois sans être repérée. Incident classé 3, à la limite de la catastrophe.

2006

- Graves défaillances dans les centrales de Kjeller ( Norvège) et Forsmark( Suède). Le 25 juillet, dans la centrale nucléaire suédoise, l’incendie d’un transformateur a provoqué l’arrêt de 4 des dix réacteurs. Le black out incontrôlable d’un des réacteurs a failli provoquer un début de fusion du cœur. Selon des responsables du site « l’événement pouvait dégénérer en nouveau Tchernobyl ».

2007

- Au Japon, un tremblement de terre de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter dévaste le site de Kashiwazaki-Kariwa. L’épicentre du séisme est à 10 kms de la centrale. Enorme fuite radioactive dans la mer. Risque d’emballement des réacteurs.

2008

- Défaillance du système de refroidissement à la centrale slovène de Krsko. Panique et alerte européenne( Plan ECURIE).
- Mai : Séisme de magnitude 7,8 dans la région de Sichuan. 50.000 morts.200.000 blessés. Dégâts non communiqués dans le complexe de Mianyang (11 instituts de recherche militaire, « Alamos chinois » ; centre d’assemblage des armes atomiques) ; black out total à la centrale d’enrichissement de l’uranium de Chengdu ; aux usines d’ogives nucléaires de Guanguya et de Yibin. Secret d’Etat…

De tels caprices de la nature devraient nous remettre en mémoire les accusations d’inconscience adressées aux promoteurs des premières centrales par le vulcanologue Haroun Tazieff. Comment –a-t-on pu, d’autorité, implanter ces machines infernales à retardement dans des zones géologiques à risques ? De Bugey à Cadarache, en passant par les centrales rhodaniennes, on a construit tous ces ouvrages de béton au bord des failles sismiques des Préalpes, du piémont ardéchois et des fractures telluriques de Provence.
Frères et sœurs des deux rives, du delta camarguais et du bassin aixois, il vous reste à prier le grand architecte de l’univers, ou tout autre dieu de vôtre choix, pour qu’il nous préserve de certains impromptus tectoniques ; Ou alors, puisque tout finit en France par des chansons, reprenez en chœur avec les croyants le célèbre tube volontariste des années 70 : « on ira tous au paradis, mêm’moi ».

Ah ! j’allais oublier…

En ces temps de liesses olympiques, si vous avez une ou deux heures disponibles, surfez sur la question des déchets radioactifs en Chine (juteux marché de notre sainte missionnaire Areva). Renseignez-vous sur les dépotoirs nucléaires du Tibet, sur les décharges à ciel ouvert de la préfecture (autonome !!!) d’Habei, sur les enfouissements sauvages de la province de Gansu, sur le deal de 20.000 tonnes de résidus des centrales du Maryland (USA) avec la Chine, sur la pollution des nappes phréatiques par les mines d’Uranium (Thewo, etc…) sur l’état des rivières et des lacs (Jampakok, Kokonor etc…), sur les sites sismiques thibétains où la Chine a construit des usines d’armements, sur l’avenir de ce château d’eau du sud-est asiatique qui alimente tous les grands fleuves qui se jettent dans les mers d’Arabie, le golfe du Bengale et la mer de Chine : l’Indus, le Gange, le Brahmaputre, le Yangtsé, le Hwangho, le Salween, le Mekong etc…etc…Et ce n’est qu’un début…

Demain, abominables capitalistes et honorables héritiers de Mao infesteront main dans la main des pans entiers de la planète. Touchante réconciliation des contraires, le serpent de la dialectique (nucléaire) se mord la queue et les idéologues nous prennent pour des cons. Jean.

Notes

[1Echelle d’évaluation des accidents nucléaires : son usage très tendancieux ne tient pas du tout compte de leur impact sanitaire réel sur les populations

1 Message

  • AREVA mon amour - 6 21 septembre 2008 23:35, par Arsène

    Très bonne série d’article qui intéressera non seulement les gens de la région mais aussi tous ceux qui se préoccupent de leur avenir et des conditions de travail dans le monde.

    Pour montrer le chemin à parcourir entre luttes locales et luttes plus générales, voici une : liste des réacteurs nucléaires à travers le monde

    On y trouve entre autre leur date de mise en service et leur date d’arrêt probable.

    repondre message

Répondre à cet article

JournArles | Ecrivez-nous | Maison de la vie associative, Boulevard des Lices, 13200 Arles