Un compte-rendu

La fête des libertés

Conférence-débat

mardi 25 juillet 2006, par LDH Arles

Mais de quelles libertés s’agit-til ? Toutes les libertés :
- la liberté individuelle, celle de la personne
- les libertés civiques, celles du citoyen
- les libertés politiques, celles du peuple

Deux intervenants ont partagé des approches différentes :
Emmanuel TERRAY, philosophe, anthropologue, pour la conceptualisation de la liberté, a présnté un survol de la question dans d’autres sociétés.
Jean-Pierre DUBOIS, président de la LDH, militant pour les libertés civiques et politiques a rappelé des menaces, les attaques et les régressions successives sur les libertés depuis une trentaine d’années et particulièrement depuis un certain 21 avril 2002...

1/ Intervention d’Emmanuel TERRAY : philosophe, anthropologue

Parler de liberté amène à parler de pouvoir.
Pouvoir personnel
Dans un état de nature, c’est le rapport de forces et la suprématie du plus fort : maîtres/esclaves ; seigneurs/serfs ; chefs/sujets.
C’est la tyrannie ou le despotisme avec un pouvoir personnel capricieux, mobile, imprévisible, arbitraire.
Les dominés vivent dans l’insécurité, sous le signe de la peur ; mais la domination est précaire et les dominants vivent dans la hantise du complot Pouvoir impersonnel de la loi
Montesquieu : « la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ».
Tous les individus sont alors placés sous la loi qui limite l’arbitraire ; mais la loi, condition nécessaire de la liberté, peut être cruelle, barbare, injuste. Il faut donc faire en sorte que les lois soient validées par tous, de la volonté générale. Une vision optimiste veut donner à croire que les hommes, rassemblés, oublient leurs intérêts particuliers.
Démocratie
La démocratie est-elle une cause suffisante de la liberté ?
D’après Rousseau, la démocratie représentative n’est qu’oligarchie élective. Là où corruption et démagogie existent, la liberté n’est qu’une simple façade.
Toutefois rien n’est simple, car si le peuple aime la liberté, il aime aussi la sécurité. Or, la liberté fait peur : c’est une épreuve, à cause des responsabilités à assumer ...Aussi le peuple confie-t-il son sort à des représentants.
La souveraineté populaire est capable de dérive totalitaire. On peut aboutir à des situations paradoxales :
Bonaparte, étouffeur de libertés, était populaire.
Le gouvernement de la Convention, avec son Comité de salut public, a installé la Terreur, en voulant intervenir autoritairement pour réduire les inégalités.
Il convient, à la fois, d’assurer la sûreté des personnes (ou du moins, l’opinion qu’on en a, comme disait Montesquieu) et de sauvegarder les libertés.
Les pouvoirs peuvent être contenus en les faisant éclater en sphère privée et sphère publique. Les libertés sont individuelles ou publiques : liberté de se réunir, de s’associer, ou d’entreprendre.
Quant à l’individualisme libéral économique, il peut être aussi dangereux que le totalitarisme, nous dit E. Terray, avant de terminer par quelques remarques :
En démocratie représentative, le peuple est exclu, en général, des prises de décisions.
Les interventions du peuple ne sont pas reconnues par leurs représentants. L’arbitraire n’a pas disparu ; il suffit de rédiger les lois d’une façon vague, qui laisse la porte ouverte aux interprétations.
Nous en avons un bon exemple avec la loi sur l’immigration : que veulent dire les expressions « valeur de la République » ? « insertion dans la société française » ? L’Administration et les préfectures en décideront ...

2/ Intervention de Jean-Pierre DUBOIS, président national de la LDH
C’est un moment fort de nous retrouver et de pouvoir, à nouveau, parler tranquillement de liberté à Vitrolles
Devant nous, la tache est infinie de défendre les droits par l’action commune, et d’organiser le débat contradictoire. La démocratie fonctionne à condition que les hommes soient des citoyens respectueux des autres.
La liberté réelle suppose l’égalité, pas seulement en droits, mais aussi sociale, économique et culturelle.
Pour nous, qui sommes souvent accusés d’angélisme, le véritable réalisme est d’analyser et de changer la donne.
Depuis un quart de siècle, les libertés reculent avec différentes justifications : lutte contre le terrorisme, l’islamisme ... L’état pénal remplace l’état social.
La LDH est la bonne mémoire et la mauvaise conscience de la République. Il y a 25 ans, il n’y avait de contrôle d’identité qu’à proximité des infractions. La dérive sécuritaire n’assure aucune sécurité.
Qui a tiré les leçons du 21 avril 2002 ? En 2007 se profile le même style de campagne électorale, avec une louche de xénophobie en plus.
Pour en revenir aux évènements de novembre, il ne faut pas oublier les mensonges du ministre de l’Intérieur. Le procureur de Bobigny a démenti les dires de N. Sarkozy quant aux circonstances exactes de la mort des deux jeunes et du déclenchement des émeutes en banlieue. Seulement 15%, et non 80%, étaient connus des services de la police, et récidivistes. Des peines parfois très lourdes, selon les tribunaux, ont été prononcées contre des jeunes primo-délinquants.
N. Sarkozy nous a accusés de vouloir expliquer l’inexplicable parce que nous voulions excuser l’inexcusable.
L’état d’urgence a alors été décrété pour la troisième fois (1-bataille d’Alger, 2- évènements d’Ouvéa).
La loi sur l’égalité des chances, en réponse à la crise des banlieues, contient des mesures ouvertement discriminatoires. Quant à la réforme du CESEDA, ce n’est pas une loi de plus mais c’est la rupture. Les entreprises vont choisir : c’est la privatisation des politiques migratoires.
La loi de prévention de la délinquance arrive après le rapport du député Benisti et celui de l’INSERM. Dans une pratique du « secret partagé », le maire, grand contrôleur social, devient le « président du Conseil des droits et devoirs des familles ».

En conclusion, face aux limites de la démocratie représentative, une participation politique des citoyens est, plus que jamais, nécessaire.

3/ Quelques sujets évoqués au cours du débat avec la salle
- E. Terray se demande si le rapport de l’INSERM, publié en plein projet de la loi sur la prévention de la délinquance, n’était pas une commande. Ne faudrait-il pas rappeler les chercheurs à leur devoir civique ?
Des médecins pédiatres ont lancé une pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de moins de trois ans » qui a déjà recueilli près de 300 000 signatures.

- Immigration : il ne suffira pas de renvoyer en 2007 le gouvernement. La LDH va interpeller les candidats et des assises doivent se tenir en automne, afin de définir une autre politique de l’immigration. Certes, le séjour doit être règlementé, mais pas l’entrée. La liberté de circulation doit être totale.

- J.P. Dubois rappelle que, depuis de nombreuses années, la LDH milite pour le vote des étrangers et que, déjà, en 1981, cela faisait partie des propositions du candidat Mitterrand.

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