Du complexe agro-industriel à l’irradiation des aliments :

À qui profite le crime ?

Jean Pierre Berlan

vendredi 26 octobre 2007, par Forum Civique Européen

Avec l’irradiation, l’industrie agroalimentaire a de beaux jours devant elle puisqu’elle permet de répondre aux risques de contamination des aliments, inévitables lorsque s’allonge la chaîne alimentaire. Chacun de ses acteurs peut ainsi continuer à maximiser ses profits en se tenant au plus près des normes minimales.

Dossier de Campagne Solidaire Septembre 2007 - Mensuel de la Confédération Paysanne

Il y a deux générations, le paysan élevait ses chevaux de trait, les nourrissait avec son avoine, fertilisait ses champs avec leur fumier,
semait le grain qu’il récoltait, produisait ce qu’il mangeait, nourrissait ses
compatriotes et cachait ses économies sous son matelas. Avec sa ligne de crédit à la « Banque Verte » (!), l’exploitant achète ses chevaux à John Deere, son avoine à Total, ses engrais à AZF, ses semences et biocides à Monsanto et sa nourriture à Casino, à l’exclusion des légumes de son potager « bio ». Simple rouage d’un système qui transforme les pesticides en pain Jacquet, ce technoserf, que l’État a habilement chargé du recel des subventions destinées aux industriels, se présente toujours comme paysan. Pourtant, conception et exécution sont séparées, le travail est en miettes, le contrôle est d’autant plus totalitaire que le technoserf travaille sous un contrat « librement » signé qui lui donne la liberté d’être son propre contremaître. Quant aux « filières de production », elles exigent la standardisation, la normalisation, l’homogénéité des procédures et des marchandises.

IRRADIATION

Et au bout de ces filières, le « con, sot et mateur »


choisit « librement » le supermarché où il promène son chariot pour y choisir « librement » entre le pareil et le même, alors que la vraie liberté, celle d’être ailleurs, lui est déniée.

La production de marchandises industrielles, aussi homogènes et stables que des canettes de Coca-Cola, butte toutefois sur la difficulté qu’il s’agit de produits vivants ou obtenus par des processus vivants. Qui dit vie,
dit diversité, changement, et bien sûr, corruption possible.
Jusqu’ici, ce problème a été résolu par les machines, engrais, agrotoxiques, et autres appliqués à des « variétés » homogènes (toutes les plantes sont les mêmes) et stables (elles restent identiques d’une génération à la suivante),c’est-à-dire à des clones.

Quant aux industries alimentaires, elles ont liquidé l’hétérogénéité résiduelle de ces marchandises agricoles en les « dénaturant » pour éliminer ce qui restait de diversité et de vie, pour reconstruire des marchandises industrielles, parfaitement homogènes et stables, à coup de colorants, d’agents de sapidité, de texture, de conservateurs et autres « additifs alimentaires ». Elles ont remplacé les risques d’intoxication aiguë dont la cause est identifiable par des empoisonnements chimiques chroniques à
long terme.

Ainsi, les responsables peuvent-ils dormir tranquilles en incriminant des « maladies de civilisation » en plein essor. La mondialisation de la production et des échanges rend maintenant ces moyens insuffisants. La monoculture monoclonale mondialisée, qui ne peut se réaliser sans l’utilisation de pesticides, exacerbe les déséquilibres écologiques.

D’où le recours aux soi disant « OGM », c’est-à-dire à des clones (rien
de changé) chimériques brevetés qui intègrent les pesticides à la plante. Le statut des pesticides change en douceur : de poisons qu’il faut éviter de faire entrer dans la chaîne alimentaire, ils en deviennent des constituants !

La responsabilité des industriels dégagée

IAAR : Industriels de l’agro-alimentaire responsables

Quant aux filières, la mondialisation les allonge encore car elles s’approvisionnent là où le prix est le plus bas. Chaque agent maximise ses profits en se tenant au plus près des normes minimales,
quand il ne cherche pas à les transgresser. La marchandise finale est
à la merci d’une erreur, d’une fausse manoeuvre, d’un sabotage ou d’une
escroquerie. L’insécurité alimentaire croît en particulier pour les produits
frais. L’irradiation des aliments apparaît alors comme une panacée : en
supprimant les risques d’intoxication aiguë, elle dégage la responsabilité des industriels ; elle prolonge la durée de vente des produits ; elle permet de supprimer les contrôles coûteux tout au long des filières ; elle rend possible l’utilisation d’ingrédients de qualité microbiologique médiocre puisque, de toute façon, tout ce qui vit sera tué.
Dans un monde qui adore le veau d’or, l’irradiation a un bel avenir.

Jean-Pierre Berlan,
Inra de Montpellier

L’ensemble de ce dossier est à télécharger sur le site de la Confédération paysanne en format PDF à lire et partager.

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