Les ouvriers licenciés du groupe français SOPROFEL IDYL, sont en grève de la faim
Le groupe agroalimentaire français dit Soprophile Idyl, installé au Maroc, produit le tiers des exportations de tomates de la région Souss-Massa-Daraâ. C’est environ 35 grandes remorques par jour. Le groupe produit aussi les melons, les pêches, les raisins, les oranges et les dattes dans la région d’Errachidia. Il emploie plus de 12000 ouvrier(e )s. En sus de nombreuses grandes fermes agricoles (un millier d’hectares), le groupe Soprophile Idyl comporte deux stations d’emballage de 15000m2. Une dans la commune E Safa Bouyekra, l’autre dans la commune Ait Amira, les deux communes sont du département Chtouka Ait Baha. Le groupe dispose d’une plateforme logistique de distribution (11000m2). Les produits du groupe sont commercialisés en France par Idyl, l’autre identité juridique de l’entreprise. Les deux grands responsables du groupe sont le français Patrick PUECH et l’Italien sahraoui, Hassan EDERHEM.
Le groupe a son siège dans les Bouches-du-Rhône, à Chateaurenard, son dirigeant principal est Patrick PUECH, son secteur d’activité est le commerce de gros ( inter-entreprises) de fruits et de légumes. Sa première implantation est à Dakhla au Sahara Occidental. Et puis Chichaoua, Marrakech, Errachidia et Agadir. L’arboriculture, la nurserie, le maraichage, la packaging, et même la presse sont les domaines de production du groupe. Il commercialise les divers produits sous les marques suivantes : Idyl, Etoile du Sud, dattes Filali, Bongoo of morocco, agriculture du Maghreb. 95% des exportations du groupe sont destinées à l’Europe, au Canada et à la Russie. 150 000 tonnes de tomates par an passent par la plateforme logistique du groupe, sans parler des autres fruits et légumes.
Le groupe ne manque pas de travail à longueur d’année, et pourtant les ouvrier(e)s sont dans une précarité constante( pas d’embauche).uprès L’entreprise ne respecte pas le droit du travail, des ouvrier(e)s ne sont pas inscrits a des caisses sociales (CNSS). Le harcèlement sexuel est le traitement réservé aux ouvrières. Des accidents de travail sont en augmentation sans cesse. Un bureau syndical attaché à la CDT (la Confédération Démocratique de Travail) s’est constitué. Le patron français en l’occurrence, monsieur Patrick PUECH, a licencié (exclu) les ouvriers fondateurs du bureau ainsi que ses membres. Les ouvriers ont protesté contre cette décision et ont organisé des manifestations et setting.
La justice marocaine au service du patronat a condamné, en première instance, les ouvriers selon l’article 288 du droit pénal qui criminalise le droit à la grève et a exercé des poursuites contre les syndicalistes.
Il faudrait rappeler que Soprofel Idyl a licencié plus de 2000 ouvrier(e)s depuis 2008, sans dédommagement ni indemnité ou alors avec de vraies miettes 500DH ( 47€).
L’accord du comité de conciliation stipule :
Le retour à l’emploi des licenciés,
rattachement syndical de trois ouvriers,
Seulement 9 ouvriers sur 30 ont retrouvé leur poste, les autres seraient indemnisés 3000DH (285€) l’année de travail.
Après de multiples et vaines démarches auprès de la direction du groupe et des autorités locales et régionales, pour application des termes de l’accord, les ouvriers par le biais de leur syndicat ont adressé des correspondances aux responsables pour les informer de leur action de lutte. Monsieur Abdellah RAHMOUN, secrétaire général de la centrale syndicale CDT à AGADIR, ignore complètement leur dossier. Les patrons français et marocains trouvent qu’à « Souss-Massa (il y a) trop de grèves dans les exploitations agricoles » titre le journal l’économiste. « Les syndicats ne contrôlent pas vraiment leurs troupes » ajoute le journal. Et le responsable syndical à Agadir, monsieur RAHMOUN, est-il à l’écoute des patrons ou des ouvriers ?
Six ouvriers ont alors décidé d’entamer la grève de la faim le 26 avril 2012 devant le siège du groupe dans des tentes de misère.
Ils réclament la satisfaction de leurs revendications : indemnités de licenciement et dommages et intérêts de licenciement abusif depuis trois ans. Rayer leurs noms de la liste noire dont disposent les entreprises de la région et leur permettre de trouver du travail dans d’autres unités de production.
Les six ouvriers en grève de la faim sous leur tente de misère devant le siège de l’entreprise, sont menacés de poursuite judiciaire. L‘huissier s’est rendu sur place pour menacer les grévistes, faire appliquer les termes des jugements à l’encontre de Abdelhadi EL AZAOUI, condamné à une amende de 15000 DH et menacer deux autres dans une affaire de piquets de grève. L’huissier faisait l’émissaire du patron, il a proposé à l’ouvrier en grève de la faim, monsieur Abdelhadi EL AZAOUI de quitter les lieux et de se désolidariser de ses camarades, seule condition d’arrêt des poursuites. Deux de ses camarades sont menacés également menacés de poursuite.
La centrale syndicale , CDT, à qui appartiennent les grévistes de la faim, ne traite pas leur dossier et ne s’intéresse pas à leur combat. Les ouvriers du groupe français, Soprofel Idyl, producteur au Maroc, considèrent que la direction de leur syndicat est complice avec le patronat et l’État marocain contre leurs intérêts. Ils sont sans défense et ne peuvent plus compter sur leur syndicat. Ils considèrent que le patronat et l’Etat sont les deux faces de la même pièce.
Il faut signaler que le code du travail est en faveur des patrons et qu’aucune convention n’a vu le jour dans le secteur pour cadrer l’exploitation et l’emploi des ouvriers agricoles.
Moha OUKZIZ, le 21 mai 2012
Source L’humanité 28 mai 2012