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Fièvre catharrale ovine - langue bleu

300 paysans contre la répression à Carcassonne !

suivie de L’Etat, le paysan et le moucheron de Hervé Kempf

lundi 26 avril 2010, par Forum Civique Européen

Il était une fois, dans l’hémisphère Sud, un mal qui frappait les ruminants. On l’appelait « maladie de la langue bleue ». Elle n’était pas contagieuse et ne se transmettait pas à l’homme. Elle pouvait entraîner de nuisibles conséquences sur les animaux, mais enfin, elle était là depuis longtemps, et ruminants domestiques et sauvages s’étaient, avec le temps, immunisés.

300 paysans contre la répression à Carcassonne !

Avec une grande émotion, suite au suicide de Jean-Luc Tournaire, éleveur poursuivi pour ne pas avoir vacciné ses animaux, une manifestation rassemblant 300 paysans s’est tenue hier dans les rues de Carcassonne.

Le cortège rassemblé à l’appel de la Confédération paysanne et des « Collectifs FCO » s’est rendu à la Préfecture de l’Aude pour exiger :

  • L’arrêt des poursuites exercées contre les éleveurs ayant choisi d’assumer les risques liés à la Fièvre Catarrhale Ovine.
  • Un moratoire sur l’obligation vaccinale.
  • Une évaluation sanitaire de l’immunité naturelle.
  • La levée des sanctions administratives qui empêchent les éleveurs de faire leur métier : remise en cause du droit de monter en estive, retrait des patentes sur le lait cru et des cartes vertes et interdiction des mouvements d’animaux.

Pour obtenir la satisfaction de ces revendications et pour soutenir les éleveurs poursuivis, la Confédération Paysanne appelle à se rassembler un peu partout en France les prochains jours et en particulier à Châteauroux le 27 avril, à Sélestat le 30 avril, et à Lyon le 4 mai.

Il n’est pas acceptable que les pouvoirs publics ajoutent l’injustice à l’incompréhension, la sanction à la difficulté que traversent les éleveurs.

Contacts :
Philippe Collin, porte parole, 06 76 41 07 18
Roxanne Mitralias, chargée du dossier sanitaire, 01 43 62 18 73


L’Etat, le paysan et le moucheron


Hervé Kempf, Le Monde -13 mars 2010-

Il était une fois, dans l’hémisphère Sud, un mal qui frappait les ruminants. On l’appelait « maladie de la langue bleue ». Elle n’était pas contagieuse et ne se transmettait pas à l’homme. Elle pouvait entraîner de nuisibles conséquences sur les animaux, mais enfin, elle était là depuis longtemps, et

Or, cette maladie se transmettait par des moucherons. On sait depuis La Fontaine combien il faut se méfier des moucherons, « chétif insecte, excrément de la terre ». Est-ce un effet du changement climatique ? Dans les années 2000, les moucherons d’Europe ont commencé à y transmettre le virus de la maladie.

Elle se répandait vite, et comme plusieurs troupeaux connurent de désagréables effets, le lion, pardon, l’Etat, rugit et décida d’« éradiquer » le virus honni. En France, une campagne de vaccination de tous les bovins et ovins fut engagée en 2008 et rendue obligatoire en 2009.

Or, il advint que des gueux commencèrent à refuser l’injonction. A interroger. A réfléchir. Pourquoi tant de zèle, alors que l’Organisation mondiale de la santé animale indique que la maladie n’est pas contagieuse, et précise que les bêtes « se trouvant dans les zones où la maladie est endémique sont naturellement résistantes » ? Pourquoi ne pas laisser des troupeaux développer leur immunité naturelle ? Comment croire qu’on pourrait éradiquer une maladie qui devient endémique en Europe ? Pourquoi ne pas étudier le cas d’autres pays, comme la Grèce ou l’Allemagne, qui ne vaccinent pas, ou plus ? A-t-on bien examiné les effets secondaires des vaccins sur les animaux, voire dans l’assiette du consommateur ? Pourquoi, enfin, si peu d’écoute des principaux concernés ? N’avait-on rien appris de l’expérience de la grippe A ?

C’est incroyable comme les gueux ont des arguments, quand on les écoute ! Et le chroniqueur de s’étonner de la faiblesse de ceux qu’avançait le ministère de l’agriculture, que, bien sûr, il interrogea. Mais l’histoire prend un triste tour. Car non content d’ignorer les questions des paysans, on écume, on étincelle, on convoque les éleveurs rétifs à la maréchaussée, et même, on les amène au tribunal, comme le 19 mars à Sélestat, et bientôt à Auch. « Vous ne voulez pas vacciner, manants ! Qu’on les condamne ! »

Il est un peu tôt pour tirer la morale de l’histoire. Des paysans se battent, et l’affaire n’est pas close. Mais voici une phrase, entendue d’un éleveur des Cévennes : « On n’a jamais reçu d’explication. On a fait appel à notre servilité, pas à notre intelligence. Je le ressens comme un déni de compétence. » Et une question : pourquoi tant d’insistance à imposer les vaccins, et pourquoi refuser d’examiner comment évoluera l’immunité naturelle des troupeaux ? Est-il bien raisonnable de recourir au marteau de la justice pour... écraser des moucherons ?

Hervé Kempf

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